La détention du leader antivaccin François Amalega Bitondo depuis 38 jours dans des conditions « notoirement difficiles », à la suite d’une manifestation en janvier devant la maison de Radio-Canada, provoque des « frissons dans le dos » chez le juge de la Cour du Québec Dennis Galiatsatos, qui souhaite le voir libéré rapidement.

M. Amalega comparaissait à son procès mercredi pour répondre d’un chef d’accusation d’avoir omis de respecter des conditions qui lui interdisaient de « pénétrer dans un rayon de 300 mètres » du premier ministre François Legault. Cette condition lui avait été imposée par la Cour à la suite d’une manifestation à Shawinigan, en novembre, lors de laquelle M. Amalega s’est retrouvé à quelques mètres du premier ministre, tout près de sa garde rapprochée. Or, le 16 janvier dernier, le militant s’est retrouvé, porte-voix à la main devant les studios de Radio-Canada, alors que le premier ministre est vraisemblablement arrivé dans son convoi de véhicules pour assister à l’enregistrement de l’émission Tout le monde en parle.

Pour des raisons de sémantique, l’accusation portée contre M. Amalega a bien failli tomber dès le début de l’audience. La dénonciation reprochait à M. Amalega de s’être « trouvé » à 300 mètres du premier ministre, alors que ses conditions de remise en liberté lui interdisaient de « pénétrer » dans un tel rayon.

« L’accusé est détenu maintenant depuis 38 jours, pour constater qu’il y a une erreur potentiellement majeure dans l’acte accusation […]. Je me pose très sérieusement la question à savoir pourquoi l’accusé est détenu devant le tribunal aujourd’hui, dans des conditions notoirement difficiles », a lancé le magistrat avant de suspendre l’audience pour quelques minutes.

Après avoir entendu la plaidoirie de la Couronne, le juge a vite conclu qu’il n’était nullement prouvé que le premier ministre se trouvait bien dans le véhicule noir qui a croisé M. Amalega ce soir-là, et encore moins que l’accusé a « pénétré » dans un rayon de 300 mètres en omettant sciemment de respecter ses conditions.

« Le mot “pénétré”, c’est la base même de l’accusation. [La Couronne] aurait pu et aurait dû constater le texte de la condition en autorisant l’accusation, au lendemain de l’accusation de monsieur », a reproché le juge.

« Est-il même possible de “pénétrer”, d’un point de vue logique et juridique, dans un endroit extérieur, à aire ouverte, en pleine intersection, dans un centre métropolitain ? », a-t-il demandé, avant d’acquitter l’accusé en affirmant qu’il y avait une « absence totale de preuves » contre M. Amalega.

« On ne détient pas les gens en prison du simple fait qu’on les trouve fatigants, dérangeants. Et surtout, et c’est triste d’avoir à le rappeler, on ne détient pas des citoyens en prison du simple fait qu’ils sont peut-être contre des décisions gouvernementales [ou] qu’ils ont osé manifester leur désaccord avec des lois ou des mesures », a tonné le juge Dennis Galiatsatos.

« Malheureusement, il y a bien des places dans le monde où l’État sévit en interdisant toute dissidence en emprisonnant ses habitants. Mais le Canada n’est pas un de ces pays-là », a-t-il ajouté.

L’arrestation de M. Amalega à la suite de la manifestation devant les studios de Radio-Canada avait provoqué une cascade de conséquences. Poursuivi également à Trois-Rivières, Shawinigan et Joliette pour non-respect de conditions similaires, M. Amalega s’est subitement fait révoquer sa libération conditionnelle, et s’est retrouvé en prison au moins jusqu’à la tenue de son procès de Trois-Rivières, qui a été fixé à la fin avril.

Son acquittement par le juge Dennis Galiatsatos à Montréal ne lui permet pas de retrouver sa liberté dans l’immédiat.

Après s’être représenté seul à plusieurs occasions devant les tribunaux, M. Amalega s’est adjoint les services de l’avocat Pierre-Richard Deshommes. Ce dernier a demandé au juge une copie écrite de sa décision pour la soumettre à un juge de Trois-Rivières, afin d’obtenir la libération rapide de son client, mais le juge s’est dit incapable d’accéder à sa demande.