En septembre 2019, le mafioso Andrew Scoppa a dit à un interlocuteur de se méfier d’un individu impliqué dans des meurtres parce que les policiers pourraient « lui donner un break » et en faire un témoin collaborateur, comme ce fût le cas dans l’enquête SharQc contre les motards. Mais ce que le chef de clan ignorait, c’est que l’homme à qui il parlait était justement un tueur devenu taupe pour la police, et qui portait un système d’enregistrement portatif.

Cette scène un peu surréaliste a été entendue ces derniers jours par les jurés du procès de Dominico Scarfo, accusé d’avoir comploté les meurtres et d’avoir tué deux lieutenants de la mafia montréalaise, Lorenzo Giordano et Rocco Sollecito, en 2016.

Scarfo a été trahi par l’homme qui a abattu Sollecito et qui a collaboré avec les enquêteurs de la Sûreté du Québec trois ans après les crimes. Cet agent civil d’infiltration (ACI) – dont on doit taire le nom – portait un dispositif d’enregistrement durant l’été 2019 et lui et Scarfo ont rencontré Andrew Scoppa à deux reprises, en septembre 2019, prétextant vouloir obtenir le reste des sommes promises par le frère de Scoppa, Salvatore, pour les meurtres des deux lieutenants de la mafia.

Scoppa inquiet

Lors de la 2e rencontre, le 16 septembre, l’ACI et Scarfo ont annoncé à Andrew Scoppa avoir reçu, au lendemain de leur première rencontre avec ce dernier, la visite des enquêteurs de la SQ qui les ont avisés que leur vie était en danger.

Cette annonce a clairement inquiété Scoppa qui a ramené régulièrement le sujet durant la conversation.

Influencé par l’ACI, Scoppa a accusé un 3e complice, dont on ne peut dévoiler l’identité, d’être à l’origine de la visite des enquêteurs.

« C’est très dangereux. Ce gars est un témoin oculaire », a commencé Scoppa, avant de faire un parallèle avec SharQc dans une déclaration pratiquement prémonitoire.

« Bélanger a fait une déclaration. Il a fait une vidéo et avoué qu’il a tué deux Hells Angels. Il l’a fait lui-même et a été payé 3 millions de dollars pour témoigner contre eux (…) Juste pour vous dire que même si quelqu’un commet quelque chose, selon l’importance des enjeux, ils (les policiers) donneront une pause (break) à un gars », a ajouté Andrew Scoppa qui voulait dire Boulanger et non Bélanger.

Sans le savoir, le mafioso discutait avec un ancien tueur qui avait signé un contrat avec l’État.

Du bon travail

Durant la conversation, Andrew a aussi parlé du meurtre de son frère Salvatore survenu le 4 mai précédent et s’est demandé comment celui-ci a pu se faire avoir, en plus de souligner le calme du tueur.

« Quelqu’un a vraiment baissé sa garde. Le gars qui a tiré savait avec certitude que personne n’avait d’arme là-bas. Il marchait tranquillement, il n’avait aucune crainte, aucune peur de représailles. Il est entré, il a marché derrière lui et a continué de lui tirer dessus. D’après ce que je sais de l’histoire, il (le tueur) a fait du bon travail, même si c’est mon frère », a dit Scoppa.

Andrew Scoppa a également dit aux deux hommes qu’il n’était pas en forme, mais leur a annoncé qu’il allait recommencer bientôt à s’entraîner au gym.

Il a prédit que toute cette histoire, qui a amené les deux hommes à le rencontrer, « finirait mal ».

Une fois que Scoppa a quitté les deux hommes, Scarfo a dit à l’ACI avoir le chef de clan en haute estime.

« C’est une légende », a lancé Scarfo.

Les jurés ont maintenant terminé l’écoute des enregistrements réalisés par l’ACI. Ce dernier commencera à témoigner jeudi.

Une jurée endormie congédiée

Par ailleurs, une jurée a été congédiée mardi parce que le juge Michel Pennou et les avocats des deux parties ont constaté qu’elle a semblé somnoler et avoir un comportement erratique à quelques reprises depuis le début du procès. Le juge a dit aux 13 autres jurés que cela ne changeait rien pour la suite du procès.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.