Chloé* avait 15 ans, était en fugue d’un centre jeunesse et était séquestrée par des proxénètes qui la forçaient à se prostituer. Désespérée, elle a demandé à un de ses clients d’appeler la police, en lui expliquant la situation.

Mais Alexandre Woitiuk Bessette, qui célébrait son anniversaire ce soir-là, a plutôt choisi d’avoir des relations sexuelles avec elle, en compagnie de sa conjointe de l’époque, avant de l’abandonner à son sort.

Mardi, au palais de justice de Montréal, le ministère public a demandé que Woitiuk Bessette soit emprisonné pour sept ans après avoir été reconnu coupable, l’automne dernier, d’obtention de services sexuels rémunérés d’une mineure et d’agression sexuelle d’une personne de moins de 16 ans avec l’aide d’un tiers.

« Il sait qu’elle est sous le joug de proxénètes, il connaît son âge, il connaît sa situation de dépendance, elle est en fugue », a souligné le procureur de la Couronne, Pierre-Olivier Bolduc, lors de sa plaidoirie sur la peine à imposer à l’homme de 30 ans.

« C’est ni plus ni moins qu’une situation d’enlèvement à laquelle il fait face, et il choisit de ne pas porter assistance à une adolescente qui est clairement dans le besoin. Il connaît sa détresse psychologique. Elle demande de l’aide. Il fait le choix conscient, réfléchi et planifié d’avoir une relation sexuelle avec elle, à plusieurs, pour sa fête. »

Selon MBolduc, il s’agit là de facteurs aggravants qui militent en faveur de l’imposition d’une peine de sept ans, soit deux ans de plus que la peine minimale de cinq ans pour le crime d’agression sexuelle en groupe sur une mineure.

Les faits se sont produits en 2018. Après avoir attendu en vain les secours cette nuit-là, Chloé a réussi à échapper à ses proxénètes, et l’enquête a permis de retracer Woitiuk Bessette.

Selon l’avocat de l’accusé, MSerge Lamontagne, une peine de cinq ans serait suffisante dans les circonstances, étant donné l’absence d’antécédents de Woitiuk Bessette en matière de crimes sexuels.

Un peu plus tôt, MBolduc avait lu une déclaration de la victime, dans laquelle Chloé expliquait que l’épisode lui avait causé une grande détresse psychologique, au point où elle s’est mise à s’automutiler et à prendre des drogues de plus en plus puissantes. Elle relatait aussi être très méfiante à l’endroit de tout le monde, et qu’elle refusait donc d’envoyer son bébé à la garderie.

Il plaide l’ignorance

Même s’il a été reconnu coupable, l’homme a continué d’affirmer qu’il ne savait pas que Chloé avait 15 ans.

« Quand j’ai su que la victime était mineure, ça m’a troublé, traumatisé et je me suis trouvé dégueulasse », a dit Alexandre Woitiuk Bessette, en s’adressant à la cour depuis le box des accusés, mardi. « Je ne pouvais même pas me regarder dans le miroir. »

Si la jeune fille lui avait remis entre les mains la note dans laquelle elle demandait de l’aide, « on aurait été des héros et non des violeurs », a-t-il affirmé.

Il a raconté être allé se confesser auprès d’un prêtre, qui lui aurait répondu qu’il n’avait pas commis de péché et qu’il n’avait qu’à demander pardon à Dieu.

Le juge Yves Paradis rendra sa sentence à l’endroit de Woitiuk Bessette le 24 mars.

Dans cette affaire, en septembre 2019, la proxénète Tatiana Isabel Sanchez, qui avait alors 19 ans, avait plaidé coupable à une accusation de traite de personnes et à des chefs de proxénétisme, de voies de fait armés et de trafic de stupéfiants. Elle avait été condamnée à quatre ans de détention, mais il lui restait alors 16 mois à purger.

Kadeem Noël, alias White JJ, qui faisait face à plusieurs accusations de traite de personnes et de proxénétisme dans ce dossier, a quant à lui écopé de cinq ans et demi de pénitencier.

*Nom fictif pour protéger l’identité de la victime

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse