Ce que le milieu de l’itinérance redoutait est arrivé : un homme de 74 ans qui vivait dans un campement a perdu la vie lundi soir, en pleine vague de froid à Montréal.

La chute du mercure aurait eu raison de cet homme, qui a été retrouvé en état d’hypothermie et inanimé vers 18 h lundi soir.

L’aîné résidait depuis plusieurs années déjà dans un campement situé dans un bois, entre la rue Saint-Jacques et l’autoroute 20 Ouest, dans le secteur de Notre-Dame-de-Grâce.

« J’étais très, très triste de voir que quelqu’un était décédé par un froid pareil », a dit Chantal Laferrière, directrice générale de la Mission St-Michael’s.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

De nombreux campements se trouvent dans le secteur sud-ouest de la ville. Sur la photo, un campement de quelques tentes sous le pont d’étagement de la route 136.

Elle soutient que de nombreux campements se trouvent dans le secteur.

Ce sont des gens qui ne veulent pas aller dans des ressources. Ils ne veulent pas quitter leur tente parce que pour eux, c’est leur liberté.

Chantal Laferrière, directrice générale de la Mission St-Michael’s

À l’arrivée des policiers, le septuagénaire a été transporté dans un centre hospitalier, où son décès a été constaté. Comme il n’y a aucun indice qui permettrait de croire qu’il s’agisse d’un incident criminel, l’enquête a été transmise au coroner.

« Je suis bouleversée, comme l’ensemble de la population montréalaise. J’ai envie de vous dire que c’est une démonstration importante que d’habiter dans un abri de fortune, ce n’est pas la solution », a commenté la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qualifiant le drame de « mort tragique ».

L’homme était connu des organismes communautaires du secteur et refusait vraisemblablement de se rendre dans des ressources d’hébergement.

« Une infirmière du CIUSSS du Centre-Sud allait le voir et des policiers du SPVM allaient le visiter souvent », soutient la mairesse.

Garder contact

Tout comme le septuagénaire, d’autres personnes en situation d’itinérance refusent de se rendre dans des ressources d’hébergement, préférant passer la nuit dehors, même par grand froid.

À 9 h 30 mardi matin, l’agent Laurent Dyke et l’équipe de prévention sociale du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) entamaient leur tournée des campements dans le sud-ouest de la métropole.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’agent Laurent Dyke en visite dans un campement de fortune sous le pont d’étagement de la route 136

« Aujourd’hui, en période de grand froid, on s’est assuré d’aller voir les personnes qui restent à la rue, on est allé porter du café », dit-il.

Le café peut sembler banal, mais pour les agents du SPVM, il s’agit d’une excellente façon d’entrer en contact avec les personnes sans-abri. « Le café, c’est un bon lien pour pouvoir parler aux gens. On essaie de garder un contact régulier, pour évaluer leur état de santé », dit-il.

Les membres de l’équipe veillent à diriger ou à accompagner ces personnes vers des services appropriés en fonction de leurs besoins.

On est une courroie de transmission et d’informations. On parle aux gens continuellement.

L’agent Laurent Dyke, de l’équipe de prévention sociale du Service de police de la Ville de Montréal

Depuis mardi, la STM a ouvert quatre édicules de métro pour permettre aux gens d’aller se réchauffer, indique M. Dyke. De nombreux refuges ont aussi fait fi des mesures sanitaires pour accueillir les personnes dans le besoin.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’équipe de prévention sociale du Service de police de la Ville de Montréal en action

« Souvent, ils ne veulent pas sortir des campements. Ce sont des personnes majeures et vaccinées. On ne veut pas les amener quelque part contre leur gré. C’est complexe », indique la directrice générale de la Mission St-Michael’s.

La semaine dernière, elle a offert des denrées, des chaussettes, des tuques, des mitaines, des foulards et de la nourriture à l’équipe de policiers du SPVM pour qu’ils puissent les distribuer dans les campements.

Un « signal » pour en faire plus

Sur Twitter, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a indiqué mardi que « le décès de cet homme est un évènement tragique ». « J’ai une pensée aujourd’hui pour les proches et amis, c’est quelque chose qui me touche grandement. »

« Les grands froids que nous connaissons cette semaine sont extrêmes », a-t-il écrit, rappelant que la Santé publique avait autorisé lundi que les dortoirs des refuges soient utilisés au maximum de leur capacité.

Bien que la distanciation soit importante, la température nécessite la mise en place de mesures temporaires exceptionnelles.

Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Le drame s’est produit alors que le froid polaire continue de préoccuper les organismes de soutien aux personnes sans-abri. « C’est encore une fois une situation qui aurait dû être évitée. Tous les groupes qui font de l’hébergement dénoncent depuis longtemps le manque de places et de plans pour faire face aux situations », illustre la directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Annie Savage.

« Ça nous prend des mesures structurelles fortes. Autrement dit, un plan majeur de développement des infrastructures pour permettre le déploiement de ressources 24/7 adaptées aux besoins, qui sont grands et très variés », dit Mme Savage.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Un sans-abri s’est improvisé un refuge avec un bac à ordures à Montréal, mardi.

Même son de cloche chez le PDG de la Mission Bon Accueil, Sam Watts, selon qui ce nouveau décès devrait être « un signal à l’écosystème d’aide qu’on doit vraiment faire plus ».

De son côté, la nouvelle responsable de l’itinérance au comité exécutif de la Ville de Montréal, Josefina Blanco, affirme que la mort du septuagénaire est « bouleversante », et qu’elle illustre que l’accès au logement social est « primordial » pour sauver des vies actuellement.

Ce décès n’est pas sans rappeler celui de Raphael André, retrouvé mort gelé, en janvier 2021, dans une toilette chimique, à deux pas d’un refuge fermé qu’il avait l’habitude de fréquenter.

En novembre dernier, Elisapie Pootoogook, une femme sans-abri de 61 ans, avait également été retrouvée morte dans un chantier de construction sur le site de l’ancien Hôpital de Montréal pour enfants, au centre-ville.

Le Stade de soccer ouvre ses portes

La Ville de Montréal a annoncé mardi qu’elle accueillera dès jeudi 300 personnes en situation d’itinérance infectées par la COVID-19 dans le Stade de soccer de Montréal, situé dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension.

« Ces 300 places vont nous permettre d’enlever de la pression dans les refuges. Les personnes [en situation d’itinérance] infectées par Omicron vont pouvoir aller en isolement au centre de soccer et donc libérer des places », a annoncé la mairesse Valérie Plante, lors d’une conférence de presse mardi après-midi.

Le Stade de soccer de Montréal sera réservé aux personnes infectées. « Présentement, [les personnes infectées] se retrouvent dans des refuges parce qu’il fait froid, ou elles se retrouvent à la rue », soutient la mairesse.

On avait déjà utilisé le centre de soccer l’année dernière et parce que l’expérience a été bénéfique, on refait l’exercice.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Depuis le 29 décembre, les personnes sans-abri infectées par la COVID-19 sont accueillies à l’hôtel Chrome, boulevard René-Lévesque, en plein centre-ville de Montréal. Il peut accueillir jusqu’à 111 personnes.

À partir de jeudi, les personnes infectées seront désormais logées au Stade de soccer, tandis que l’hôtel Chrome accueillera des personnes qui ne sont pas atteintes du virus.