Quatre ans de prison : c’est la peine imposée vendredi au père de la fillette de Granby, dont la mort a choqué tout le Québec en avril 2019.

Le juge François Huot, en rendant sa sentence, a dénoncé l’« inqualifiable lâcheté » de l’homme de 32 ans, qui avait plaidé coupable, le 13 décembre dernier, à une accusation de séquestration. Le père s’est ainsi évité un procès pour trois autres chefs d’accusation, dont celui de négligence criminelle causant la mort.

« Comment avez-vous pu ligoter votre enfant de la sorte ? Vous vous êtes comporté à l’égard de cette petite fille comme on ne le ferait même pas à l’égard d’un animal », a dénoncé le juge.

Interpellant sans ménagement l’accusé avant de l’envoyer derrière les barreaux, le magistrat lui a reproché d’avoir « livré [sa fille] en pâture » à sa conjointe et de l’avoir traitée comme une forcenée. « Bon sang, elle n’avait que 7 ans ! », a-t-il tonné.

Rappelons que la belle-mère, reconnue coupable en décembre du meurtre non prémédité de l’enfant et de séquestration, purge une peine de prison à vie et sera admissible à une libération conditionnelle dans 13 ans.

La peine de quatre ans imposée au père était une suggestion commune des avocats de la Couronne et de la défense, qui a été entérinée par le juge.

Comme le père avait été détenu après son arrestation, une période de six mois est déduite de la peine ; il lui reste donc trois ans et demi de prison à purger.

Témoignages émouvants

Avant que la sentence ne soit prononcée, des proches de la petite victime se sont exprimés au sujet des conséquences du drame.

La mère a livré un témoignage bouleversant, rappelant qu’elle avait plaidé sans relâche pour que la garde de sa fille soit retirée au père. Elle avait aussi dénoncé les mauvais traitements que la petite subissait.

Pourquoi l’avoir enlevée d’un endroit où elle était bien, si c’était pour la maganer, pour la négliger ?

La mère de la fillette, s’adressant à son ex-conjoint

« Pourquoi t’as été capable de faire mal à ta propre fille ? Pourquoi ma fille est dans une urne en ce moment ? », a-t-elle lancé d’une voix déchirante.

La grand-mère de la fillette, qui en a eu la garde pendant quelques années, a aussi témoigné être grandement affectée par le drame. « Imaginez le traumatisme psychologique que cette enfant a vécu, abandonnée sur le plancher, nue, enrobée de tape, incapable de bouger, et son père qui reste insensible à ses cris et ses souffrances », a dit la grand-mère éplorée.

Peine clémente ?

« Il s’en sort sans procès en ayant plaidé coupable. […] Après tout le mal qu’il a fait », a dénoncé le frère de l’accusé, dans une déclaration lue devant le tribunal.

Le juge Huot a dit comprendre que les proches ne soient pas satisfaits de la peine, et a anticipé un tollé dans la population envers une peine pouvant être perçue comme clémente.

Mais il a longuement expliqué en quoi une reconnaissance de culpabilité de l’accusé à l’un des chefs d’accusation était préférable à un procès dont l’issue était incertaine. Un procès aurait notamment obligé le fils adolescent de la belle-mère à témoigner, alors qu’il a déjà témoigné une première fois au procès de sa propre mère.

Tentatives de fuite

Dans l’exposé commun des faits présenté vendredi au juge Huot, au palais de justice de Trois-Rivières, le père a admis avoir pris la décision avec sa conjointe de séquestrer sa fille avec du ruban adhésif pour éviter qu’elle s’échappe de la maison, après qu’elle eut tenté de s’enfuir plusieurs fois.

L’enfant avait été attachée dans sa chambre, sur le plancher, au cours de la nuit. Durant la matinée du 29 avril 2019, la belle-mère de l’enfant avait ajouté du ruban adhésif, en l’absence du père.

De retour à la maison en matinée, le père a attendu plus d’une heure avant d’aller voir sa fille, qu’il a finalement retrouvée inconsciente. Il a alors appelé les services d’urgence, mais la fillette est morte le lendemain à l’hôpital.

Le rôle de la DPJ

L’exposé des faits rappelle aussi que la Direction de la protection de la jeunesse a suivi l’enfant dès sa naissance, et que le Tribunal de la jeunesse en avait accordé la garde au père, maintenant la petite fille dans ce milieu de vie malgré le fait que sa belle-mère avait déjà été reconnue coupable de voies de fait à son endroit.

Le père n’a pas dit un mot lorsqu’il a été invité à prendre la parole avant que la sentence ne soit prononcée.

Vous n’avez pas le courage nécessaire pour exprimer le moindre regret devant le tribunal ou la moindre excuse à l’égard de la famille.

Le juge François Huot, s’adressant au père

Le père a tenté d’expliquer ses gestes, dans l’exposé des faits, en se présentant comme un « père épuisé, à la recherche d’aide qu’il n’a pas reçue et qui, en désespoir de cause et à bout de ressources, a exagéré dans l’application des mesures éducatives ».

« Je n’ai aucune sympathie à votre égard », a tenu à souligner le juge Huot en s’adressant à l’accusé. « Vous vous êtes comporté comme un lâche, et votre comportement me dégoûte au plus haut point comme il dégoûte la quasi-totalité de la province du Québec. »