(Québec) François Legault s’est dit « choqué » par les images troublantes de l’arrestation de jeunes Noirs à Québec, mais n’entend pas demander pour l’instant une enquête externe sur les agissements des policiers.

« Ça m’a choqué de voir ça. Je veux savoir exactement ce qui est arrivé. Oui, on voit les photos, les images. Mais il faut avoir les deux versions. Mais je ne serai pas naïf, moi aussi, ça m’a choqué », a dit le premier ministre du Québec en marge de l’inauguration du Club Med de Charlevoix.

M. Legault a répété plusieurs fois son intention d’aller « au fond des choses » pour comprendre les circonstances entourant l’arrestation des deux adolescents à l’extérieur du bar Dagobert, tôt samedi matin.

Mais le premier ministre n’a pas l’intention de demander tout de suite une enquête externe. Il veut laisser une chance au Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) de faire la lumière sur les évènements. Le corps de police a ouvert une enquête interne et promet « des éclaircissements sur ce qui s’est passé ce soir-là ».

« Je pense qu’on peut, avec une enquête interne, aller au fond des choses, dit le premier ministre. Et si c’est nécessaire, je vais aller au fond des choses. Je veux être certain qu’on sache exactement ce qui est arrivé. »

« On se demande si c’est du racisme. Je n’irai pas plus loin que ça. Est-ce qu’il y a un problème spécifique chez les policiers de Québec ? », a demandé le premier ministre.

« Il n’y a pas de raison de croire que ce soit un système qui touche tous les policiers de Québec. Mais on va aller au fond des choses », promet-il.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a quant à elle indiqué lundi qu’elle avait demandé « au Commissaire à la déontologie policière de se pencher sur cet évènement » afin que « toute la lumière soit faite sur cette histoire ».

Le jeune homme envisage de poursuivre la Ville

Les circonstances de toute cette affaire pourraient aussi être éclaircies par un tribunal. La famille de Pacifique Niyokwizera, 18 ans, n’exclut pas de poursuivre la Ville de Québec.

L’avocat qui représente le jeune homme explique que son client, après avoir subi une arrestation musclée, a été reconduit dans une voiture de patrouille loin du bar et abandonné à 3 h du matin dans la rue, sans son téléphone ni ses cartes d’identité.

« À mon sens, il y a une faute grave qui a été commise par les policiers. On parle de dignité humaine, on parle d’arrestation illégale. Les gestes qui ont été commis sont graves et c’est la raison pour laquelle M. Niyokwizera n’écarte aucune possibilité à cette étape-ci », note MFernando Belton.

« Il n’a reçu aucune contravention. Il n’a aucune date à la cour. On ne lui reproche aucun geste, ajoute l’avocat. La police de Québec est muette sur les raisons pour lesquelles il a été arrêté. »

MFernando Belton explique qu’il veut laisser la poussière retomber. « Les parents sont secoués, ses frères et ses sœurs sont secoués. On se donne quelques jours. Je veux aussi avoir la chance d’entendre ce que le SPVQ va dire, ce que le maire de Québec va dire. »

Les images de l’arrestation ont paru raviver des souvenirs chez Mamadi Camara, qui avait été arrêté et accusé par erreur pour l’agression d’un policier en janvier 2021 à Montréal.

« Pour avoir été victime d’une bestialité policière du SPVM l’hiver dernier, je comprends effectivement le choc, la douleur qu’endure ce jeune homme noir et sa famille de Québec. Cette brutalité n’a pas sa place dans une ville qui prône la diversité », a écrit M. Camara sur les réseaux sociaux.

Le SPVQ a la réputation de ne jamais avoir compté de policier noir en son sein. En juin 2020, le service de police confirmait qu’il comptait onze policiers autochtones, deux d’origine asiatique, mais aucun noir.

La Presse a tenté d’obtenir les chiffres les plus récents. Mais une porte-parole du SPVQ n’était pas en mesure de confirmer lundi s’il comptait un policier noir « en raison des embauches récentes ». Le SPVQ a invité La Presse à faire une demande d’accès à l’information.