L’organisation devenue service de police indépendant en bonne et due forme peut maintenant engager ses propres policiers

Après une décennie à fonctionner avec des policiers prêtés par d’autres organisations, souvent pour de courtes périodes, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) a procédé pour la première fois à la prestation de serment de ses propres enquêteurs de police vendredi. Une initiative visant à apporter un peu de stabilité au sein d’une organisation handicapée par un fort taux de roulement du personnel depuis ses débuts.

En tout, 18 enquêteurs de police chevronnés, la plupart déjà retraités ou au seuil de la retraite, ont accepté de venir en renfort et de grossir les rangs de l’organisation, qui tente de rebâtir sa crédibilité après plusieurs controverses et défaites devant les tribunaux ces dernières années.

Au terme d’une semaine d’activités d’intégration à l’École nationale de police du Québec, ils ont tous prêté serment ensemble vendredi et ont reçu leur badge argenté d’enquêteur des mains du commissaire Frédérick Gaudreau.

« Dès la semaine prochaine, ils vont être opérationnels. Leurs équipes sont déjà assignées. Lundi, ils sortent sur des projets d’enquête. Et hier, je leur ai réitéré que des projets, on en a ! », a déclaré M. Gaudreau en marge de l’évènement.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Badge des enquêteurs de l’UPAC

Par leur nature complexe, les enquêtes de l’UPAC s’échelonnent souvent sur de nombreuses années. Or, l’organisation devait fonctionner depuis ses débuts avec des policiers prêtés par la Sûreté du Québec et des corps de police municipaux, qui retournaient pour la plupart dans leur organisation au bout de deux ou trois ans. Les dossiers changeaient de main beaucoup trop souvent.

Stabilité accrue

Pour assurer une stabilité accrue aux enquêtes anticorruption, le gouvernement de la CAQ a fait de l’organisation un service de police indépendant en bonne et due forme qui peut maintenant pour la première fois engager ses propres policiers.

Après la première cohorte de vétérans des forces de l’ordre ayant prêté serment vendredi, la direction de l’UPAC espère embaucher d’ici un an des diplômés universitaires intéressés par la lutte contre la corruption qui auront accès à une formation accélérée de quelques mois pour devenir policiers enquêteurs sans avoir à passer par la patrouille, comme c’est historiquement le cas au Québec. Ils seront rémunérés pendant leur formation.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Frédérick Gaudreau, commissaire à la lutte contre la corruption

Notre règlement prévoit une échelle salariale pour aller chercher des talents sans qu’ils aient à mettre leur vie de côté.

Frédérick Gaudreau, commissaire à la lutte contre la corruption

Ces futures recrues devront passer par l’École nationale de police pour être formées notamment sur l’usage de la force et la conduite sans risque de perquisitions. Les gestionnaires de l’UPAC ont en mémoire une opération du Service des enquêtes sur la criminalité financière organisée de la Sûreté du Québec, en 2006, qui visait un réseau de fabrication de fausses factures pour frauder le fisc. Pendant une perquisition, un des suspects avait ouvert le feu et blessé un policier, avant d’être abattu, preuve que les enquêtes sur les crimes de cols blancs comportent aussi parfois leur part de risque.

Le commissaire Frédérick Gaudreau veut par ailleurs continuer à accueillir des policiers en prêt de service des autres organisations dans le futur. « C’est bénéfique pour notre organisation de voir les façons de travailler de chacun et c’est bénéfique pour les autres organisations qui veulent contribuer à l’effort », dit-il.

Des nouveaux venus motivés

Patrick Laplante, ancien lieutenant au soutien opérationnel à la Sûreté du Québec

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Patrick Laplante, ancien lieutenant au soutien opérationnel à la Sûreté du Québec

« C’est stimulant et motivant de revenir dans un créneau qui a besoin d’amour ! », lance celui qui a déjà fait un séjour de quatre ans en prêt de service au sein de l’UPAC il y a quelques années. « Si je ne croyais pas en la mission, je ne serais pas ici. C’est un défi, aussi. Les stratagèmes se sont sophistiqués, c’est de plus en plus connu, ça représente de nombreux défis. »

Caroline Mayrand, ancienne enquêteuse aux agressions sexuelles à la police de Longueuil

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Caroline Mayrand, ancienne enquêteuse aux agressions sexuelles à la police de Longueuil

« J’ai juste hâte de commencer lundi ! », dit celle qui a décidé de changer d’organisation après seulement 14 ans dans la police, dont 7 ans comme enquêteuse. J’adore les enquêtes, j’en mange, c’est toujours ça que j’ai voulu faire comme policière. Ce qui m’intéresse à l’UPAC, c’est que ce sont des enquêtes extrêmement complexes. Ça demande une expertise, on est appelés à apprendre, se renouveler, s’adapter », explique-t-elle.

François Coiteux, ancien enquêteur aux fraudes et expert en trafic d’armes au SPVM

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

François Coiteux, ancien enquêteur aux fraudes et expert en trafic d’armes au SPVM

« Tous les corps de police ont leurs échecs », souligne celui qui dit ne pas être effrayé par les récentes déconfitures de l’UPAC devant les tribunaux. « Je pense que ce qu’il faut faire, justement, c’est retrousser nos manches et demander : “Qu’est-ce qui nous manque ? Qu’est-ce qu’on peut faire de mieux ?” On n’a pas le choix ! », dit-il. « Chacun ici a son expertise, prise à gauche et à droite. C’est un créneau très difficile, mais ensemble, on va être meilleurs pour s’y attaquer. »