Tobie Laurin-Lépine, Gatinois de 34 ans soupçonné de trafic d’armes à feu fabriquées dans sa cuisine avec une imprimante 3D, fait face à 19 nouveaux chefs d’accusation, dont fabrication d’une arme automatique capable de tirer des rafales et possession d’un lance-obus artisanal.

Les policiers de la Sûreté du Québec ont découvert chez l’ancien employé fédéral un atelier équipé, notamment, de deux imprimantes 3D. Ces appareils de plus en plus communs permettent d’usiner en un tour de main des pièces de toutes sortes, à partir de plans facilement accessibles sur l’internet.

Une des armes saisies chez le suspect est un FGC-9, carabine semi-automatique compacte expressément conçue pour être fabriquée à l’aide d’une imprimante 3D.

Les lettres FGC du nom de l’arme signifient Fuck Gun Control. Son inventeur, un activiste libertarien européen qui serait aujourd’hui décédé, n’est connu que sous le pseudonyme JStark1809. Il a conçu l’arme pour qu’elle soit fabriquée avec des pièces extrêmement communes, dont plusieurs vendues en quincaillerie. Il a affirmé, dans une entrevue au quotidien allemand Der Spiegel, que sa création visait à permettre aux citoyens de se battre contre l’État à armes égales, « même si ça prend un bain de sang pour protéger le droit de porter des armes ». « C’est mieux pour tout le monde, y compris les criminels et les gangsters, de posséder une arme que de ne pas en avoir », a-t-il déclaré.

Au Canada, il est strictement illégal pour un individu de fabriquer une arme à feu, que ce soit de toutes pièces ou à partir d’une carcasse incomplète où il reste à percer des trous (aussi connue sous le nom de lower 80). « La fabrication d’une arme à feu requiert un permis, puisque les armes sont assujetties à un enregistrement. Le simple fait d’en fabriquer une est une infraction criminelle », résume l’avocat Guy Lavergne, spécialisé en matière de contrôle des armes à feu.

Idéologie « troublante »

Plusieurs des pièces du FGC-9 et d’autres armes conçues pour les imprimantes 3D, comme les poignées, les mires, la gâchette, ne nécessitent cependant pas de permis particulier. « C’est un chargeur de Glock, qui est extrêmement répandu, avec une poignée d’AR-15, dont l’achat ne nécessite pas de permis. Même si le gouvernement voulait en interdire la fabrication, il n’y arriverait pas. Il faudrait qu’il contrôle une industrie mondiale qui comporte des dizaines de milliers de fournisseurs », affirme Gabriel Pasquier, un collectionneur d’armes à feu.

« L’idéologie défendue par les gens qui fabriquent ces armes est troublante. J’ai vu sur YouTube la vidéo d’une personne qui en a fabriqué une pour qu’elle soit identique à un fusil NERF pour enfant », constate pour sa part le chercheur Francis Langlois, spécialiste des politiques de contrôle des armes à feu à la Chaire Raoul-Dandurand.

Pour l’instant, on ignore ce qui poussait Tobie Laurin-Lépine à fabriquer de telles armes. Les enquêteurs ont trouvé chez lui neuf chargeurs prohibés à haute capacité, dont six imprimés en 3D, trois silencieux (également prohibés), trois pistolets 9 mm, un pistolet calibre .22 et plusieurs pièces détachées de carcasse d’arme.

Ils ont aussi saisi 1100 $ en argent comptant.

Une accusation de trafic d’armes à feu a été déposée contre le suspect peu après son arrestation mercredi, mais elle n’a pas encore été étayée en cour.

« Ce sera intéressant de savoir à qui étaient destinées les armes fabriquées par le suspect, dit l’avocat Guy Lavergne. Ça ne ressemble pas à du militantisme, mais plutôt à une entreprise criminelle qui cherche à alimenter le marché noir. »

L’enquête sur remise en liberté de M. Laurin-Lépine a été reportée à lundi. Il demeure incarcéré d’ici là.