Les poursuites civiles s’accumulent contre Gilbert Rozon. Cette fois, Sophie Moreau, fille de l’humoriste Jean-Guy Moreau, réclame 1,25 million de dollars au magnat déchu de l’humour pour l’avoir agressée sexuellement alors qu’elle était âgée de 15 ans et qu’elle était réceptionniste au festival Juste pour rire, dans les années 1980.

« Je veux prendre ta virginité. » C’est ce que Gilbert Rozon, alors dans la jeune trentaine, aurait répété à l’adolescente à l’été 1989 après plusieurs semaines de harcèlement sexuel, allègue Mme Moreau dans une poursuite déposée jeudi au palais de justice de Montréal. Elle y dépeint Gilbert Rozon comme un « prédateur sexuel » qui a utilisé son influence pour « piéger plusieurs victimes ».

Tout a commencé en 1988, alors que Sophie Moreau, 15 ans, travaillait durant l’été au festival Juste pour rire dans les bureaux de la rue Prince-Arthur. Un soir de juillet, Gilbert Rozon l’aurait invitée à l’accompagner à la Place des Arts pour un spectacle. Prétextant se rendre à l’arrière-scène, M. Rozon l’aurait entraînée dans la salle des machines.

« [Gilbert Rozon] saisit la demanderesse dans ses bras contre son gré, la presse contre lui et lui dit “embrasse-moi”. La demanderesse fige. Elle est sous le choc et ressent un profond malaise. Elle refuse d’embrasser [Gilbert Rozon]. Devant ce refus, après quelques instants, [Gilbert Rozon] relâche son étreinte. Il se met à rire », lit-on dans la requête.

L’été suivant, en 1989, Sophie Moreau travaillait de nouveau comme réceptionniste dans les locaux de Juste pour rire. En juillet, son père, l’humoriste Jean-Guy Moreau, devait animer plusieurs soirées de gala du festival. Pendant un de ces spectacles, Gilbert Rozon se serait approché d’elle par-derrière « sournoisement » et aurait mis ses mains sur les hanches et le ventre de l’adolescente en lui demandant de l’embrasser. Celle-ci affirme avoir refusé.

Le même manège a recommencé lors des spectacles suivants, allègue Sophie Moreau. « [Gilbert Rozon] se faufile derrière elle, la touche sans son consentement, glisse ses mains sur son corps, l’agrippe, et s’acharne, lui disant tantôt “Embrasse-moi”, tantôt “Je veux prendre ta virginité”, ajoutant qu’il serait “doux” avec elle », lit-on dans la requête.

Un soir, à l’arrière de la limousine de Gilbert Rozon, celui-ci « met sa main sur la cuisse de la demanderesse et lui répète qu’il veut “prendre sa virginité” », selon le document. « La demanderesse est prise d’un profond malaise. Elle se sent triste, petite et impuissante. Elle a peur. Elle trouve tout de même le courage de refuser les avances du défendeur une fois de plus », lit-on.

Le lendemain, Sophie Moreau est terrorisée lorsque Gilbert Rozon se présente « inopinément » à son appartement, alors qu’elle est seule. L’homme d’affaires s’en va toutefois lorsqu’elle lui demande de partir, soutient-elle.

Sophie Moreau dit avoir gardé le silence de peur que ses aveux nuisent à la carrière de son père et à sa propre carrière. En novembre 2017, elle a participé à la création du collectif Les Courageuses. Sa plainte criminelle, déposée en octobre 2017, n’a mené à aucune accusation criminelle.

Les gestes reprochés à Gilbert Rozon ont eu de « graves répercussions » sur la vie de Sophie Moreau, soutient-elle. Les agressions sexuelles commises par Gilbert Rozon ont instillé un « sentiment de tristesse et de honte qui persiste encore à ce jour », poursuit-elle dans la requête.

« La demanderesse s’est longtemps sentie impuissante face au défendeur, un sentiment qui n’a été qu’exacerbé par la peur qu’elle ou les membres de sa famille subissent d’importantes représailles si elle parlait », lit-on dans le document.

Depuis son acquittement pour agression sexuelle à son seul procès criminel l’an dernier, Gilbert Rozon est visé par de nombreuses poursuites civiles de plaignantes.