« Je suis dans une valise de voiture et je suis en train de me faire kidnapper. Ce n’est pas une blague », murmure en panique Nicholas Tsouflidis au 911. Le président des restaurants Chez Cora a fait le récit de son enlèvement digne d’un film hollywoodien, mardi, au procès de Paul Zaidan, ex-franchisé qui aurait réclamé une rançon de 11 millions à Cora Tsouflidou.

Le procès devant jury de l’homme de 52 ans s’est ouvert mardi au palais de justice de Laval. L’ancien restaurateur est accusé d’avoir enlevé et séquestré Nicholas Tsouflidis, le 8 mars 2017, et d’avoir extorqué sa mère Cora Tsouflidou. Le rôle joué par Paul Zaidan dans cette affaire demeure toutefois nébuleux, puisque la Couronne ne détient « aucune preuve directe » l’impliquant.

Lunettes sur les cheveux, Nicholas Tsouflidis a raconté au jury avec désinvolture son enlèvement et ses longues heures de captivité. Sans aucun épanchement d’émotions, il a décrit en détail les évènements, en mimant à de nombreuses reprises les gestes de ses ravisseurs. Il n’a jamais dit avoir eu peur ce jour-là.

Le soir fatidique, Nicholas Tsouflidis est en train de se brosser les dents lorsqu’on sonne à la porte. Un grand homme barbu lui demande son aide pour retrouver ses clés, égarées dans la pénombre.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Nicholas Tsouflidis et sa mère Cora Tsouflidou

Mais c’est un subterfuge. L’homme sort une arme à feu et le somme de se coucher au sol. « Ben là, j’ai comme hésité. Ça se peut pas que ça arrive, c’est quoi ça ? », raconte-t-il. Au sol, Nicholas Tsouflidis voit deux autres individus sortir du véhicule et entrer dans la maison.

Selon la Couronne, les ravisseurs ont laissé une lettre de rançon réclamant 11 millions à Cora Tsouflidou. Une adresse courriel se trouvant dans la missive permet de relier Paul Zaidan aux crimes, soutient la Couronne.

« Ils m’ont mis tête première dans la valise », poursuit le témoin­­. Les mains attachées derrière le dos avec une attache autobloquante (tie-wrap), il réussit néanmoins à composer le 911. Un appel d’une quinzaine de minutes. Il cache finalement l’appareil dans son pantalon quand ses ravisseurs l’entendent. « Je dis que je suis en train de prier. Ils m’ont cru », témoigne-t-il.

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Dans une résidence, on le menotte à un « câble bleu », attaché au cadre de porte. Ses menottes ressemblent à une « joke d’Halloween » et ne sont pas de « super bonne qualité », dit-il. Ses jambes sont toutefois attachées avec des chaînes cadenassées. ­

Nicholas Tsouflidis se fait alors photographier, alors qu’on lui présente une photo de sa famille. D’abord encagoulés, les trois ravisseurs portent maintenant un masque du film Scream, un masque « Anonymous » et un masque « d’un ancien président ». Une quatrième personne arrive ensuite armée d’un « bâton », « l’air menaçant ».

« Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous faites ça ? Une personne me mentionne : ‟Vous n’avez pas été correct avec quelqu’un” », relate le témoin.

Mais dès que les ravisseurs trouvent son téléphone, leur « attitude » change beaucoup. « Ils sont moins agressifs », dit le témoin. Frondeur, Nicholas Tsouflidis lance aux ravisseurs qu’ils ne sont « pas les plus brillants ». « La game est terminée », les nargue-t-il.

Profitant de leur absence, en attente du « patron », Nicholas Tsouflidis réussit à briser en partie les menottes « cheap », sans parvenir à s’enfuir. À leur retour, les ravisseurs lui demandent le numéro de sa mère. « J’ai compris qu’ils voulaient de l’argent », témoigne-t-il.

Par ailleurs, il aperçoit une cinquième personne, un « homme âgé vêtu d’une camisole de mononcle ».

« Mafia libanaise »

Pendant leurs échanges, les ravisseurs lui disent faire partie « d’une mafia libanaise » et discutent dans une autre langue. « On s’est fait payer juste pour vous amener ici », lui dit-on. « Je leur criais après : ça marchera jamais ! Je voulais être irritant au point qu’ils me jettent dehors », se vante-t-il.

Le prisonnier semble néanmoins avoir été bien traité pendant sa captivité. Ses ravisseurs lui ont même donné une bouteille d’alcool fort. Le témoin a alors interpellé la salle d’audience pour connaître le format standard d’une petite bouteille. « Anyone ? », a-t-il lancé.

Au petit matin, les ravisseurs finissent par le « domper » sur le bord d’une route à Laval, où il sera retrouvé rapidement.

Concernant Paul Zaidan, Nicholas Tsouflidis a seulement expliqué lui avoir « retiré » son enseigne de Chez Cora en 2015, parce que son restaurant ne respectait « malheureusement » pas les normes de la chaîne.

Son contre-interrogatoire s’amorce ce mercredi. L’accusé est défendu par MHovsep Dadaghalian et MChristopher Lerhe-Mediati. Les procureures de la Couronne MSarah Beaudry-Leclerc et MKarine Dalphond entendent présenter une quarantaine de témoins.