Une banale dispute sur les réseaux sociaux entre trois amis « inséparables ». C’est la genèse de ce drame survenu à Laval en janvier 2020, alors que Théo*, 16 ans, aurait poignardé à mort son meilleur ami de 15 ans dans une bagarre. Tombé dans un « guet-apens », Théo maintient avoir agi en légitime défense, alors qu’il était roué de coups.

Maintenant âgé de 18 ans, Théo est jugé depuis lundi en Chambre de la jeunesse, au palais de justice de Laval. Il est accusé du meurtre au premier degré de Max*, le 1er janvier 2020, dans un parc du quartier Fabreville à Laval. Sa déclaration vidéo aux policiers, dont le visionnement s’est amorcé mardi, est au cœur de la première semaine d’audience, alors que la défense conteste sa légalité comme preuve.

« C’était mon meilleur ami », répète Théo à de nombreuses reprises au cours de l’interrogatoire survenu quelques heures après le meurtre. « J’ai perdu mon meilleur ami », regrette-t-il même, selon des transcriptions déposées à la cour. « Vous pensez que je suis content ? Avec qui maintenant je vais jouer, avec qui je vais m’amuser comme avant, qui ? », lâche-t-il, en réponse à une question de la policière.

C’est qu’avant cette tragédie, Théo, Max et Peter*, le frère de ce dernier, formaient un trio « inséparable », décrit l’accusé. Mais vers la fin de l’année 2019, Théo les a « rayés » de sa vie en les bloquant sur les réseaux sociaux à la suite d’un conflit nébuleux. Les deux frères l’auraient « insulté », explique-t-il à la policière. Une semaine plus tôt, l’un des frères lui aurait même écrit « Ah, je vais te saigner ».

Mais le 1er janvier 2020, les frères invitent Théo à discuter au parc Marc-Aurèle-Fortin. Théo pense alors pouvoir renouer avec Max et Peter, puis « aller rejouer ensemble ». L’adolescent jouait alors trois heures par jour au populaire jeu en ligne League of Legends. « J’aurais dû juste me méfier », dit-il. « Je croyais que c’était des amis », ajoute-t-il, toujours selon les transcriptions.

C’est que Théo soutient avoir été la cible d’un « piège » tendu par ses amis, qui sont alors accompagnés d’autres adolescents à son arrivée au parc. Selon son récit, les deux frères et un autre jeune se mettent à l’attaquer. Il reçoit alors une « avalanche de coups » qui le projettent au sol.

« Ma tête sonnait, j’entendais “bip”, on dirait que j’allais mourir cette journée-là », raconte-t-il. « Je voulais juste m’enfuir pour ma vie. J’avais peur. J’avais peur », assure-t-il. À son arrestation, près du parc, Théo présentait d’ailleurs des marques au visage et une coupure à la main, selon des policiers qui ont témoigné lundi.

Pendant l’interrogatoire, Théo admet toutefois avoir brandi un couteau de cuisine, qu’il avait apporté pour se défendre en cas d’attaque. Il soutient avoir utilisé le couteau uniquement comme un « écran de fumée », une « distraction » pour que ses assaillants se concentrent « sur le couteau et [le] laissent tranquille », explique-t-il.

Notons que deux autres couteaux ont été retrouvés dans le parc, indique l’enquêteur pendant l’interrogatoire. Un couteau avec une lame de deux pouces a été retrouvé dans le manteau de l’accusé.

« Je n’ai rien à vous cacher, moi. Je ne vais pas tuer un de mes meilleurs amis pour une histoire comme ça, puis jamais l’idée de tuer m’est passée par la tête », se défend-il. « En tant que, je ne sais pas, croyant, jamais de la vie j’aurais voulu tuer quelqu’un », assure-t-il à une autre occasion.

« Je suis trop con. Mais je ne pensais pas que mon meilleur ami allait me faire ça, papa. C’était mon meilleur ami », confie Théo à son père à la fin de l’interrogatoire. « Qui va croire une personne sur quatre ? », se désole-t-il.

Le procès se poursuit mercredi devant la juge Catherine Perreault. MMarie-Ève Vautier représente le ministère public alors que MGuy Poupart défend l’accusé.

*Noms fictifs pour protéger l’identité des adolescents impliqués