Aux prises avec les corps de deux hommes qui venaient d’être assassinés dans son garage, Guy Dion n’a pas voulu appeler la police, « surtout pas » a-t-il même déclaré en cour, car il craignait davantage Salvatore Scoppa que les policiers.

Le contre-interrogatoire de l’ancien pompier de Saint-Jude s’est poursuivi jeudi au Centre de services judiciaires Gouin où Guy Dion et sa conjointe, Marie-Josée Viau, subissent leur procès devant jury pour avoir comploté et participé aux meurtres des frères Vincenzo et Giuseppe Falduto, commis sur leur propriété le 30 juin 2016.

Guy Dion affirme que ce jour-là, il coupait du bois avec sa scie mécanique, dos à son entrée, avec des coquilles sur les oreilles et de la musique forte, et qu’il n’a pas vu arriver dans deux voitures les deux frères, le tueur à gages qui les a tués peu après et un individu surnommé Brad Pitt depuis le début du procès. Guy Dion affirme qu’il a soudainement entendu des coups de feu, qu’il est entré dans le garage et qu’il a alors aperçu les deux corps des victimes.

Selon la théorie de la Poursuite, qui a déposé des enregistrements de Viau et Dion réalisés à leur insu par le tueur à gages devenu taupe pour la police, le couple savait que les meurtres allaient être commis sur sa propriété et il a ensuite brûlé les corps à ciel ouvert durant des heures, jeté les restes dans une rivière et conduit l’auto des victimes chez un certain Guidou pour que ce dernier la fasse disparaître.

Mais Guy Dion nie que le couple ait brûlé les corps et affirme plutôt les avoir emballés et mis dans la voiture des Falduto qu’il a laissée chez Guidou. Il dit avoir compris que Brad Pitt et Salvatore Scoppa, qui a commandé les meurtres des frères, voulaient que les corps soient brûlés, mais que cela n’a pas été fait.

Contre-interrogatoire serré

Le contre-interrogatoire a donné lieu à quelques échanges corsés avec la procureure de la Poursuite, MIsabelle Poulin.

« M. Dion, vous voulez que le jury retienne de votre témoignage que le 30 juin 2016, vous n’entendez aucun char arriver chez vous, vous n’entendez pas votre chien peut-être aboyer, et la porte de garage se fermer », a demandé la procureure à Guy Dion, qui a confirmé cette version des évènements.

Guy Dion a répété qu’après avoir commis les meurtres, Brad Pitt et le tueur à gages sont partis, les abandonnant lui et sa conjointe avec les corps.

— « Étiez-vous fâché », l’a questionné MPoulin.

— « J’avais les émotions au max, le cœur me débattait en masse. J’en shakais. J’étais en état de panique ».

— « Vous ne lui (Brad Pitt) avez pas fait sentir votre mécontentement ? »

— « Je lui ai dit : “ il faut que ça décrisse, même les armes ”. »

— « Le chicanez-vous ? »

— « Non… »

— « Pourquoi » ?

— « Je ne peux pas vous dire… Je sais qu’à ce moment-là, je suis encore en état de panique », a répondu Dion.

Guy Dion a ensuite dit qu’avant d’aller porter la voiture chez Guidou, Marie-Josée Viau a nettoyé l’intérieur de la voiture avec de l’eau de javel.

« Mais pourquoi elle a fait ça ? », a demandé la procureure.

« Parce qu’il y avait un peu de sang près du volant », a répondu Guy Dion.

« Oui, mais il y a déjà deux cadavres dans l’auto », lui a fait remarquer MPoulin.

« Vous vous en occupez »

Selon Guy Dion, Brad Pitt devait revenir les voir le soir du meurtre, mais il n’est jamais venu. Le lendemain, Salvatore Scoppa a envoyé un message crypté à Marie-Josée Viau et Guy Dion leur disant « de s’en occuper ».

Guy Dion a compris qu’ils devaient brûler les corps. Il dit avoir pensé à d’autres options : laisser les corps et la voiture dans une autre municipalité, jeter le tout dans une grosse rivière ou tout enterrer. Il ne voulait pas brûler les corps. « J’en n’aurais pas été capable », a-t-il déclaré.

— « Jamais il ne vous est venu à l’esprit d’appeler la police », a demandé MPoulin.

— « Non, surtout pas ! J’ai deux cadavres et des fusils dans mon garage, et Salvatore Scoppa qui m’écrit et me dit de m’en occuper », a répondu Guy Dion.

- « Vous avez plus peur de la police que de Scoppa ? », a poursuivi la procureure.

— « J’ai beaucoup plus peur de Salvatore Scoppa que de la police, car avec les messages que j’ai reçus, si j’avais agi autrement, je ne serais pas ici pour vous en parler », a dit l’ancien pompier.

— « Vous désobéissez à monsieur Scoppa, un homme que vous savez agressif, et vous laissez ça à un homme (Guidou) qui était à l’article de la mort ? », a poursuivi MPoulin.

« Oui, je m’en crissais rendu là. Je suis conscient que je ne suivais pas les ordres de monsieur (Scoppa), mais j’ai pris le risque », s’est justifié Guy Dion.

Jeudi après-midi, MPoulin a confronté l’accusé avec des enregistrements réalisés par la taupe et soulevé des contradictions relativement à certains propos qu’il a tenus lors de son interrogatoire en chef mardi dernier.

Le contre-interrogatoire de Guy Dion se poursuit vendredi.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.