(Longueuil) Malgré son grand âge, Edgar Fruitier n’a pas échappé à la prison, lundi. Le comédien de 91 ans a été condamné à six mois de détention pour avoir agressé sexuellement à trois reprises un adolescent vulnérable qui le considérait comme son « grand frère » dans les années 1970.

« À l’époque, j’avais perdu mon père, je n’avais personne. Il était là pour m’aider, mais il ne l’a pas fait. […] C’est à lui de vivre avec l’étiquette d’agresseur », a confié aux médias Jean-René Tétreault. Quatre décennies plus tard, la victime d’Edgar Fruitier était soulagée d’enfin pouvoir tourner la page sur cette affaire qui a eu des effets « dévastateurs » sur sa vie, selon le juge.

« L’accusé a profité de la vulnérabilité de cet adolescent sans considérer pour un instant les lourdes conséquences qu’aurait inévitablement son comportement déviant sur lui », a fait valoir le juge Marc Bisson, au palais de justice de Longueuil.

Alors que la Couronne demandait de six à neuf mois de détention, la défense réclamait un sursis de peine en raison de l’âge avancé de l’accusé, des attouchements peu intrusifs et du risque de récidive inexistant. Or, malgré ses 91 ans, Edgar Fruitier « se veut relativement en bonne santé », a conclu le juge.

De plus, un attouchement sexuel n’est en aucun cas moins « grave » qu’une agression sexuelle plus intrusive, a insisté le juge. « Tout contact physique de nature sexuelle entre un adulte et un enfant est intrinsèquement violent », a déclaré le juge Bisson. Il relève ainsi la répétition des gestes et l’abus de confiance comme facteurs aggravants.

Exceptionnellement, les constables spéciaux ont escorté Edgar Fruitier vers la détention dans les corridors du palais de justice en raison de ses déplacements très difficiles.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Edgar Fruitier est escorté par des constables spéciaux après la sentence.

Comédien et animateur admiré pour sa brillante carrière au théâtre et à la télévision, Edgar Fruitier a été déclaré coupable l’été dernier de deux chefs d’accusation d’attentat à la pudeur. L’artiste a mis la main sur le pénis d’un adolescent à trois occasions en 1974 et en 1976, alors que le garçon avait 15, puis 17 ans.

Quatre décennies plus tard, Jean-René Tétreault a décidé de briser le silence dans la foulée de la vague de dénonciations #moiaussi. Il a d’ailleurs demandé au tribunal, le printemps dernier, de lever l’ordonnance protégeant son identité pour encourager d’autres victimes à dénoncer leur agresseur.

Le jeune Jean-René était un voisin d’Edgar Fruitier à Brossard en 1974. À la fin de l’année scolaire, le comédien lui a trouvé un emploi au théâtre d’Eastman et lui a offert de l’héberger à son chalet pendant l’été.

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Jean-René Tétreault

Un soir, pendant la préparation du souper, Edgar Fruiter est arrivé par l’arrière et a mis sa main sur le pénis de l’adolescent, par-dessus ses vêtements. « Son autre main est descendue comme s’il voulait descendre mon pantalon. À ce moment, je suis parti au théâtre en courant », a témoigné la victime pendant les procédures.

Deux autres agressions ont eu lieu en 1976 alors que l’adolescent faisait des ménages pour Edgar Fruitier. « Il est arrivé à l’arrière de moi, et il a fait la même chose, mais moins rough », a-t-il raconté à la cour. À la troisième occasion, dans le studio d’enregistrement d’Edgar Fruitier, le comédien a « agrippé » de dos l’adolescent et lui a touché de façon agressive les parties génitales par-dessus ses vêtements.

MErin Kavanagh a représenté le ministère public, alors que MRobert Polnicky a défendu M. Fruitier.