Visés par deux actions collectives pour des sévices sexuels, les Frères du Sacré-Cœur ont convenu de verser 60 millions afin d’indemniser des dizaines de victimes. Il s’agit d’un montant historique, selon l’avocat représentant les victimes.

Le règlement à l’amiable a été conclu mardi, après un processus de négociations présidé par la juge à la retraite Claudette Picard, ont annoncé les Frères du Sacré-Cœur. L’entente devra être approuvée par un tribunal avant que soit entamée la période de réclamation pour les victimes. Une audience est prévue le 26 août.

« Selon nous, c’est un montant record, de loin le montant le plus important jamais payé dans le cadre d’une action collective visant les agressions sexuelles au Québec. Ça va permettre aux victimes de toucher une indemnisation relativement importante d’ici une année au lieu d’attendre un procès, peut-être des appels et d’autres procès individuels qui auraient pu prendre plusieurs années », a soutenu en entrevue avec La Presse Canadienne l’avocat des demandeurs, Me Robert Kugler.

Dans un communiqué, les dirigeants des Frères du Sacré-Cœur ont tenu à présenter leurs excuses « pour les sévices qui auraient été occasionnés par des religieux éducateurs » et à demander pardon aux victimes.

« Nous souhaitons et espérons que les victimes puissent clore un douloureux chapitre de leur vie ; sachant que rien ne pourra jamais effacer les torts qui vous ont été causés. La Communauté souhaite aussi que de tels gestes ne se reproduisent plus jamais. Nous espérons que ce règlement pourra permettre aux victimes d’apaiser leur souffrance », a affirmé le supérieur provincial des Frères du Sacré-Cœur, Donald Bouchard.

Au nom des dirigeants et membres de l’ordre religieux, M. Bouchard a aussi condamné toute forme d’abus sexuels commis sur des personnes mineures qui sont en « contradiction flagrante » avec leurs valeurs et leur mission éducative auprès des jeunes.

« Ce type d’agissements mine notre œuvre d’éducation et porte ombrage à tous ceux qui s’en sont acquittés avec dignité et intégrité », a-t-il mentionné.

Plus de 200 victimes

Si le tribunal donne son feu vert à l’entente, un avis sera publié pour informer les victimes qu’elles ont une période de 10 mois pour soumettre une réclamation. En vertu du règlement, le processus de réclamation sera établi seulement par les avocats des victimes, a précisé Me Kluger.

« Nous allons engager l’arbitre, un juge à la retraite, qui va rencontrer chaque victime. La rencontre va être privée et confidentielle. Les défenderesses et leurs avocats n’auront aucun droit d’être impliqués dans le processus de réclamation. Il n’y a pas une victime qui sera contre-interrogée et qui sera confrontée par les Frères du Sacré-Cœur. Ils n’auront aucun droit de contestation », a-t-il expliqué.

Depuis l’autorisation des deux recours judiciaires par la Cour supérieure en 2017 et 2019, plus de 200 victimes se sont manifestées et ce nombre pourrait encore augmenter avec l’annonce de l’entente, a estimé Me Kugler.

La première action collective visait le Collège Mont-Sacré-Cœur, à Granby, en Montérégie. Elle couvrait les années 1932 à 2008 puisque durant cette période l’école était dirigée par l’ordre religieux. Le requérant est un homme âgé de la cinquantaine, nommé « A », qui affirme avoir été agressé de manière systématique par le frère Claude Lebeau alors qu’il était pensionnaire au collège.

La seconde action collective a été déposée par un cinquantenaire, appelé « F », qui soutient avoir été agressé à plusieurs reprises par le frère Léon Maurice Tremblay. Ce recours a été intenté pour le compte de toutes les victimes des religieux membres des Frères du Sacré-Cœur au Québec.

Me Robert Kugler invite toutes les victimes à contacter gratuitement son cabinet d’avocat de façon confidentielle afin de leur expliquer le processus et obtenir justice.

Pour sa part, la congrégation religieuse entend poursuivre les actions intentées contre le gouvernement du Québec et des centres de service scolaires concernant leur part de responsabilité.

« Les abus sexuels qui auraient été commis dans les lieux et établissements où la supervision des préposés relevait d’une direction laïque devront éventuellement faire l’objet d’un débat quant au partage de responsabilité », a fait valoir dans un communiqué leur avocat, Me Eric Simard.

Les Frères du Sacré-Cœur soutiennent que sur près d’un siècle, beaucoup d’acteurs laïcs au Québec ont été impliqués auprès d’eux dans le cadre de leur mission éducative.