(Montréal) Un syndicat d’enseignants a demandé lundi à un juge de prononcer une injonction pour forcer le gouvernement à ficeler un meilleur plan pour la ventilation des salles de classe au Québec : il y a urgence, soutient le syndicat, encore plus depuis l’arrivée des variants du virus causant la COVID-19.

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) s’en prend ainsi à la « gestion inadéquate de la pandémie en milieu scolaire » faite par le gouvernement de François Legault.

Sa demande d’injonction vise aussi le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, le ministre de la Santé, Christian Dubé, et le directeur national de la Santé publique, Horacio Arruda.

Leur inaction met les enseignants et les élèves à risque de contracter la COVID-19 et, par ricochet, leurs familles et la population en général, soutient la FAE.

La demande d’injonction fait état de violations à des droits protégés par la Charte canadienne et la Charte québécoise des droits et libertés, soit le droit à la vie et à la sécurité, ainsi qu’au droit des enseignants à des conditions de travail « justes et raisonnables, qui respectent leur santé ».

Les mesures déployées dans les écoles pour prévenir la propagation de la COVID-19 sont aussi « insuffisantes qu’inadéquates », a plaidé l’une des avocates de la FAE, Me Tetiana Gerych.

La FAE veut que le gouvernement modifie ses façons de faire pour les tests dans les écoles, en rectifiant les failles de méthodologie observées dans le rapport sur la qualité de l’air dans les écoles, dévoilé par le ministre Roberge au début du mois de janvier. Ce dernier rapport faisait état de niveaux de CO2 adéquats dans les classes, selon le ministre.

La FAE n’est pas du tout d’accord.

Cette étude comporte des lacunes sérieuses, a dit Me Gerych au juge Brian Riordan​ de la Cour supérieure du Québec. Et en raison de cela, le gouvernement ne connaît pas l’état réel de la ventilation des écoles québécoises et ne peut affirmer qu’elle est sécuritaire. Les tests faits dans une salle de classe à un moment précis ne sont pas représentatifs de l’air respiré par les élèves au cours d’une journée, a-t-elle notamment détaillé.

Le syndicat demande aussi au juge d’ordonner un dépistage massif et rapide de la COVID-19 dans les écoles, visant les élèves et le personnel, et de mettre en ligne les informations sur les cas de variants qui y sont détectés.

« Il y a urgence d’agir et cette urgence est accentuée par la présence de variants », a plaidé Me Gerych, soulignant qu’ils sont plus contagieux et entraînent des conséquences plus graves de la maladie.

Selon elle, la demande de la FAE se distingue des autres groupes qui ont contesté les mesures du gouvernement pour combattre la COVID-19. Par exemple, la requête des communautés juives hassidiques pour qu’il soit permis d’avoir un nombre plus élevé de fidèles dans un lieu de culte visait des allégements aux mesures sanitaires. Alors qu’ici, la demande de la FAE cherche à atteindre « l’objectif commun qui est de limiter la propagation du virus », a-t-elle fait valoir.

On ne veut pas qu’un juge « joue au ministre », mais qu’il fasse respecter les droits prévus aux Chartes, a ajouté l’avocate.

Le gouvernement réplique

Le gouvernement réfute les allégations de mauvaise gestion, signalant qu’il se préoccupe de la qualité de l’air dans les écoles depuis 1996.

Il rappelle que si une école a des craintes par rapport à l’air respiré par ses élèves, elle peut le signaler à l’autorité régionale de santé publique, qui a le pouvoir d’agir immédiatement. Et puis, si une salle de classe n’est pas adéquatement ventilée, l’école doit cesser de l’utiliser : cette directive a déjà été donnée par le gouvernement pour la protection des élèves comme des enseignants.

Quant à la ventilation des salles de classe, Me Charles Gravel, pour le Procureur général du Québec, a rappelé qu’il s’agit d’une mesure de protection qui s’ajoute aux autres, et n’est pas une solution miracle en soi.

L’avocat a aussi écarté la demande de la FAE sur le dépistage massif préventif, rappelant que la Santé publique recommande les tests seulement s’il y a présence de symptômes de la COVID-19. Les tests rapides sont quant à eux utiles quand on ne trouve pas la source de l’éclosion, mais sauf cette exception, il n’y a pas lieu de faire des tests aléatoires, a-t-il ajouté.

Et puis, le « milieu scolaire ça ne représente pas un risque plus important que les autres milieux de travail », a tranché Me Gravel.

Son collègue, Me François-Alexandre Gagné, a fait valoir au juge que pour obtenir une injonction en urgence, la FAE doit démontrer que si elle ne l’obtient pas, il y aura un préjudice sérieux ou irréparable que le jugement final ne pourrait réparer. Une simple inquiétude de préjudice ne suffit pas, a-t-il dit : « selon nous, il n’y a pas de péril imminent ».

Le juge Riordan s’est dit conscient qu’il doit rendre jugement rapidement et l’a promis « d’ici quelques jours ».