Un Hells Angels qui reprochait à la police et à la taupe de cette dernière d’avoir commis des irrégularités au cours de l’enquête à l’issue de laquelle il a été arrêté et accusé, vient d’échouer dans sa tentative d’obtenir un arrêt des procédures.

Le motard, Daniel-André Giroux, membre de la section des Hells Angels de Montréal, était l’une des cibles du projet Objection, par lequel l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) de la Sûreté du Québec a démantelé des cellules de trafic de stupéfiants liées aux motards en avril 2018.

Ce n’est toutefois que dix mois plus tard que Giroux a été arrêté en République dominicaine. Il a été rapatrié au Québec et accusé de gangstérisme, complot, trafic de cocaïne et trafic de méthamphétamine.

Le motard devait subir son procès en janvier, mais la sélection du jury a été annulée, car Giroux a choisi de présenter une requête en arrêt des procédures, en annonçant que, s’il perdait, la poursuite se déchargerait de son fardeau.

250 000 $ en un mois

Durant l’enquête Objection, les policiers ont fait appel à un informateur devenu agent civil d’infiltration (ACI) qui a signé un contrat avec l’État le 6 juillet 2017. (voir détails plus bas)

L’ACI, qui avait la possibilité de transporter des kilogrammes de cocaïne et de fortes quantités d’argent, était très proche de certains chefs des réseaux ciblés.

Il a aidé les enquêteurs en portant notamment un appareil d’enregistrement portatif. Il a été retiré du terrain le 13 février 2018 pour sa protection.

Dans sa requête, Giroux a fait valoir que les enquêteurs ont laissé l’ACI commettre des crimes et jouer 250 000 $ au Casino de Montréal en un mois seulement, en mai 2017, dans ce qui semble être une façon de blanchir de l’argent, sans jamais le sanctionner ou le réprimander. L’année suivante, l’ACI aurait même dépensé plus de 45 000 $ provenant de l’argent de la vente de drogue au casino et Giroux a indiqué que c’est l’organisation criminelle qui s’en est rendu compte, et non les enquêteurs. Ceux-ci ont su plus tard que l’ACI avait des problèmes de jeu compulsif.

Le motard reprochait également à la Sûreté du Québec de ne pas avoir mis en place tous les mécanismes de transparence dans l’encadrement de sa taupe et d’avoir procédé à une divulgation de la preuve parfois tardive et incomplète.

Il blâmait les enquêteurs d’avoir détruit ou de ne pas avoir pris de notes, de ne pas avoir déclenché rapidement une enquête sur les agissements de leur ACI et de ne pas avoir porté plainte contre lui, notamment pour parjure.

Prix trop élevé

Dans un jugement de 100 pages, le juge François Dadour de la Cour supérieure considère que la conduite des enquêteurs n’a pas été répréhensible, mais que certains allégués, notamment l’absence de notes de la part de certains policiers, « enfreignent le droit de M. Giroux à une défense pleine et entière ».

« Le manque de robustesse des mécanismes décisionnels au sein de la SQ pour qu’un ACI soit déployé dans une enquête est, et demeure préoccupant », ajoute le juge, qui croit également que les crimes « impunis » de l’ACI doivent être considérés.

Toutefois, le magistrat conclut que les crimes reprochés à Giroux sont « fort graves », que la conduite répréhensible vise la prise de note, que ce problème est récurent, mais non systémique, et que la société a intérêt à ce qu’un jugement sur le fond intervienne.

« En résumé, le prix de l’arrêt des procédures contre M. Giroux est trop élevé pour la société dans les circonstances de cette affaire », écrit le juge Dadour.

La cause de Daniel Giroux revient en cour le 10 mars. Même s’il consent à ce que la poursuite se décharge de son fardeau, le motard reconnaîtra les faits sous-jacents aux accusations, mais ne plaidera pas coupable, pour préserver ses droits d’en appeler de ce jugement. Les discussions sur la peine auront lieu ultérieurement.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Le contrat de l’ACI 

Le projet Objection visait Mario Brouillette, le trafiquant Carmelo Sacco et le Hells Angels Michel Langlois

L’indemnité totale de l’ACI est de 320 000 $ payables en quatre versements :

1. 100 000 $ une fois que la rafle policière a eu lieu

2. 75 000 $ au premier anniversaire de la rafle

3. 75 000 $ au second anniversaire de la rafle

4. 100 000 $ une fois que son témoignage devant les tribunaux n’est plus requis

Durant l’enquête, l’ACI a reçu des allocations de :

1650 $ par semaine pour subsistances

1100 $ par mois pour la location d’un véhicule

Si l’ACI était devenu incapable ou inapte en conséquence directe de sa participation à l’enquête Objection, il aurait obtenu une somme de 800 $ multipliés par le nombre de semaines au cours desquelles il aurait pris part à l’enquête.

Si l’ACI était décédé en conséquence directe de sa participation à l’enquête Objection, sa succession aurait obtenu une somme de 800 $ multipliés par le nombre de semaines au cours desquelles il aurait pris part à l’enquête, jusqu’à un maximum de 40 000 $.