Daphné Huard-Boudreault a été tuée par son ex-copain de 15 coups de couteau, le 23 mars 2017, à Mont-Saint-Hilaire. Elle avait 18 ans. C’est ce drame horrible qui a mené à la création du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale, dont le premier rapport publié lundi insiste sur la nécessité de mieux former les policiers.

« Nous recommandons que tous les corps policiers (tant allochtones qu’autochtones) offrent de la formation continue à leurs membres pour les sensibiliser davantage à la problématique de la violence conjugale », peut-on lire dans le document de 35 pages, contenant 28 recommandations.

Les auteurs pressent le ministère de la Sécurité publique, en collaboration avec le Bureau du coroner, d’élaborer une grille d’investigation des décès liés à la violence conjugale à l’intention des services policiers, pour mieux détecter les facteurs de risque.

Dix cas sous la loupe

Les recommandations de ce comité, créé fin 2017 lorsque Martin Coiteux était ministre de la Sécurité publique, découlent d’une analyse des 10 cas de violence conjugale ayant fait des morts en 2018-2019 : 19 décès, dont 6 enfants.

Huit des dix cas étudiés comportaient des meurtres, dont trois ont été suivis du suicide de leurs auteurs. Les deux autres étaient des suicides en lien avec des actes de violence conjugale. L’âge moyen des femmes tuées était de 36 ans et celui des enfants était de 9 ans. Les victimes et les agresseurs provenaient de diverses origines, incluant des autochtones et des immigrants.

Même si le faible nombre de cas « ne se prête pas à des analyses quantitatives poussées », les auteurs font ressortir plusieurs points communs entre ces 10 drames.

On y découvre que la presque totalité comportait de nombreux facteurs de risque, comme une séparation récente (8 cas sur 10), une perte d’emprise sur la victime de violence conjugale (8 cas sur 10) et du harcèlement (8 cas sur 10).

« Des antécédents de violence à l’extérieur de la famille, des antécédents de violence conjugale à l’égard de la partenaire, les craintes de la victime et du personnel d’intervention impliqué dans les évènements, la consommation problématique d’alcool ou de drogues et un état dépressif selon les proches sont aussi des facteurs de risque fréquents dans les dossiers examinés », ajoutent les auteurs.

Autres faits intéressants : dans neuf des cas étudiés, la police avait été appelée avant le décès, et les services de santé ou les services sociaux étaient intervenus auprès de la victime ou de l’agresseur.

Dans leurs recommandations, les auteurs insistent sur l’importance de sensibiliser la population « aux différentes formes et à la dynamique propre à la problématique de la violence conjugale afin d’éviter qu’elle soit confondue avec les querelles et les conflits conjugaux ». Ils suggèrent aussi de mettre sur pied une campagne de sensibilisation et de promotion des rapports égalitaires dans les relations de couple, et de l’adapter aux élèves du secondaire.

« Porteur d’espoir »

Ce rapport, déposé au terme de deux ans de travaux, était très attendu par les intervenants du milieu, dont plusieurs sont membres du Comité d’examen.

Au Québec, les services policiers enregistrent chaque année autour de 20 000 infractions commises en contexte conjugal. Dans près de 80 % des cas, la victime est une femme.

Pour Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, « c’est vraiment quelque chose qu’on salue parce que ça faisait presque 10 ans qu’on demandait que ce comité soit mis sur pied. Comme on le voit en Ontario, où il existe depuis 15 ans, ça fait des changements notables. »

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

Mme Monastesse ajoute que ce comité multidisciplinaire, réunissant une vingtaine d’intervenants de différents milieux, est « porteur d’espoir ».

De son côté, l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (MH2) constate que beaucoup d’occasions de dépister et de prévenir les meurtres ont été manquées, à la lumière des 10 cas étudiés par les membres du comité.

« Nous pouvons ainsi constater le partage d’information comme élément essentiel à la prévention des meurtres dans un contexte de violence conjugale », affirme Maud Pontel, coordonnatrice de l’Alliance.