Ne plus avoir qu’une poignée de corps de police de plus de 500 policiers chacun qui s’uniront pour lutter contre l’ennemi numéro 1, le crime organisé. La Sûreté du Québec lance son mémoire dans le cadre de la réforme de l’organisation policière du gouvernement Legault.

La fusion ou l’intégration

Il y a actuellement 31 corps de police au Québec. C’est beaucoup trop au goût de Johanne Beausoleil, directrice générale intérimaire de la Sûreté du Québec, que La Presse a rencontrée. « Si la police au Québec veut être uniforme, efficace et efficiente, et offrir un meilleur service à la population, il faut que des corps de police soient regroupés », dit-elle. Mme Beausoleil croit que les 25 corps de police de niveaux 1 et 2 devraient disparaître, en s’unissant dans des régies ou en s’intégrant à la SQ – le choix étant laissé aux élus – de façon qu’à la fin, il reste idéalement entre 7 et 11 corps de police au Québec : la SQ, le SPVM, les polices de Laval, Longueuil, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Gatineau et Chicoutimi, et deux régies dans les couronnes nord et sud de Montréal. Le Québec compte également 22 corps de police autochtones « que le gouvernement devra aussi regarder », ajoute Mme Beausoleil.

Réduire de moitié

Il y a six niveaux de police au Québec, mais Mme Beausoleil recommande qu’il n’y en ait que trois, « car actuellement, les corps de police de niveaux 1 et 2 ont de la difficulté à avoir des budgets et le service est à géométrie variable », dit-elle. Selon ses plans, la SQ serait la seule organisation de niveau 3, car elle a le mandat de la sécurité nationale, les services de police des grands centres – Montréal, Québec, Longueuil, Laval, Sherbrooke, Trois-Rivières, Gatineau et Chicoutimi – seraient de niveau 2, et tous les autres seraient de niveau 1. Seuls les services de police des centres urbains pourraient continuer à enquêter sur les meurtres, y compris ceux du crime organisé. Lorsque La Presse a fait remarquer à Mme Beausoleil que le Service de police de la Ville de Montréal emploie 5000 policiers, beaucoup plus que les autres corps de police des grands centres – celui de Québec est le plus important avec 900 policiers –, qu’il compte beaucoup plus de sections d’enquête et que la métropole a une population importante et différente, Mme Beausoleil n’a pas fermé la porte à l’ajout d’un quatrième niveau de police si le gouvernement choisissait la voie de la réduction.

Tous pour un et un pour tous

Mme Beausoleil demande au gouvernement de faire de la lutte contre le crime organisé une priorité. Elle souhaite la création d’équipes intégrées en renseignement, qui seraient coordonnées par la SQ et qui collaboreraient avec le Service du renseignement criminel du Québec. Elle recommande aussi à Québec d’obliger tous les corps de police à fournir des renseignements et à participer à la stratégie gouvernementale de lutte contre le crime organisé, encore une fois sous l’égide de la SQ. « Il n’est pas question de gober les divisions du crime organisé, des produits de la criminalité et du renseignement du SPVM », a assuré Mme Beausoleil, répondant à une question de La Presse. Les enquêteurs de la lutte contre le crime organisé du SPVM demeureront au SPVM et continueront à être payés par la Ville de Montréal, a précisé la directrice générale de la SQ, qui privilégie plutôt les équipes intégrées et les partenariats avec le SPVM et les autres corps de police du Québec.

Des civils en première ligne

Que les policiers effectuent des tâches qui relèvent des policiers. C’est l’un des souhaits de la SQ, qui demande que les réponses aux appels concernant des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ne soient plus l’affaire des policiers, mais de travailleurs sociocommunautaires qui seraient financés par le gouvernement et qui travailleraient en partenariat avec les patrouilleurs. « Il faut aussi assouplir la loi sur la protection de la vie privée, car actuellement nous avons les mains liées quand nous intervenons. C’est trop important d’avoir des informations pour que nous puissions échanger entre partenaires », dit Mme Beausoleil. Elle ouvre aussi la porte à une plus grande présence d’employés civils à la SQ, notamment en matière de technologies de l’information et dans la lutte contre la cybercriminalité.

Des minorités plus visibles

Si les effectifs civils de la SQ sont composés à 21 % de membres des communautés culturelles, ceux-ci ne sont que 2 % parmi les policiers, ce qui est beaucoup trop peu, déplore Mme Beausoleil. La SQ propose de revoir les critères d’admission en techniques policières dans les cégeps et à l’École nationale de police du Québec. « La cote R devrait être un critère, mais pas le seul. On aurait alors des étudiants avec des programmes et des compétences diversifiés, ce qui nous permettrait d’avoir plus de gens des communautés culturelles », croit Mme Beausoleil. Selon elle, le fait que les candidats des communautés culturelles vivent surtout dans les grands centres, qu’ils aient des réticences à travailler en région et que les autres corps de police puisent dans le même bassin de candidats font en sorte qu’il est difficile pour la SQ de recruter chez les minorités visibles.

Le bout du tunnel

« Il y a des humains derrière ça », dit Mme Beausoleil au sujet des policiers qui font l’objet d’allégations criminelles et qui se retrouvent au centre de divers processus durant des années. Alors qu’actuellement, le ministère de la Sécurité publique est avisé aussitôt qu’un policier fait l’objet d’une allégation, Mme Beausoleil propose la création d’une équipe mixte qui enquêterait sur toutes les allégations contre des policiers au Québec et qui vérifierait le bien-fondé de celles-ci avant que le Ministère ne soit avisé. La directrice générale intérimaire de la SQ fixe à trois mois le temps que devrait prendre le Bureau des enquêtes indépendantes pour mener son enquête et à une autre période maximale de trois mois le temps de traitement du dossier par un procureur. « Ça devrait être une priorité et c’est actuellement très médiatisé. Les policiers qui font l’objet d’allégations sont dans tous leurs états et vivent un grand stress. Avec de tels délais, ils sauraient au moins qu’il y a une fin », explique Mme Beausoleil, qui n’a toutefois pas voulu commenter le cas de Martin Prud’homme.

Ce que Mme Beausoleil a aussi dit…

Au sujet de Martin Prud’homme :

« Pour l’instant, le poste de directeur général de la Sûreté du Québec, c’est son siège. Je ne me suis jamais substituée à M. Prud’homme. J’assume l’intérim et j’en suis consciente. Malgré tout, l’ambiance est bonne. Les gens semblent contents de me revoir, j’ai été ici durant cinq ans. Oui, je suis une civile, mais j’ai été agent de la paix toute ma carrière. Pour les employés de la SQ, c’est rassurant de me voir. Pour M. Prud’homme, on ne connaît pas l’avenir. Tout le monde [les employés] est à la même place que moi et tout le monde trouve ça long. »

Au sujet d’un « définancement » de la police :

« Nous ne sommes pas à ce rendez-vous-là, au contraire. Ce n’est pas en en définançant un que tu vas arriver à en donner plus à l’autre, au contraire. Il faut plutôt travailler en partenariat avec le communautaire. »