(Vancouver) Un policier de la GRC directement impliqué dans l’arrestation de Meng Wanzhou à l’aéroport de Vancouver a déclaré lundi qu’il était tout à fait courant que des agences canadiennes et étrangères s’échangent des informations dans le cadre d’une demande d’extradition. Mais il a soutenu qu’il n’avait eu aucun contact direct avec des responsables américains la veille de l’arrestation de la dirigeante de Huawei.

L’agent Winston Yep est le premier témoin appelé à la barre cette semaine pour l’audition de la preuve qui devra déterminer si l’arrestation et la détention de Mme Meng par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont été menées dans le respect de la loi — ce que conteste la défense.

La directrice des finances de Huawei est recherchée pour fraude aux États-Unis, ce qu’elle et l’entreprise contestent catégoriquement.

C’est l’agent Yep qui a informé Mme Meng de son arrestation par l’intermédiaire d’un interprète en mandarin, trois heures après avoir été détenue à l’aéroport de Vancouver le 1er décembre 2018. Il a indiqué lundi au tribunal qu’il faisait partie de l’unité de liaison étrangère et nationale de la GRC lorsqu’il a reçu le 30 novembre une demande des États-Unis, par l’intermédiaire du ministère canadien de la Justice, pour l’arrestation de Mme Meng.

Il a soutenu qu’au-delà de la demande d’extradition, les responsables américains avaient également demandé que ses appareils électroniques soient placés dans un sac spécial qui empêche le contenu d’être effacé à distance.

Selon lui, rien dans la demande américaine ne lui a paru inhabituel. L’agent Yep a expliqué que les agences canadiennes et étrangères communiquent entre elles, mais il a convenu qu’il existe certaines limites aux échanges de renseignements personnels protégés par les lois sur la confidentialité. Par ailleurs, la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada sont des partenaires, et partagent donc elles aussi de l’information.

L’agent Yep a aussi admis que Mme Meng était seulement la troisième personne qu’il n’a jamais arrêtée pour une demande d’extradition.

Abus de procédure ?

Les témoins à la barre cette semaine sont appelés par la défense, mais c’est un avocat du procureur général qui a été le premier à interroger l’agent Yep lundi. Une dizaine de témoins devraient être appelés cette semaine. La défense rassemble des preuves qu’elle espère utiliser dans ses arguments l’année prochaine lors d’une audience pour savoir si Mme Meng a fait l’objet d’un abus de procédure à l’aéroport de Vancouver.

En plus de faire valoir que son arrestation et sa détention étaient illégales, les avocats de Mme Meng allèguent que les commentaires du président américain Donald Trump montrent que la dirigeante de Huawei est utilisée comme monnaie d’échange dans les relations entre la Chine et les États-Unis.

La juge en chef adjointe Heather Holmes, qui entend l’affaire, doit également autoriser ou non un autre argument d’abus de procédure : celui qui allègue que les autorités américaines ont induit en erreur des fonctionnaires canadiens dans le résumé des allégations qu’ils leur ont fournies pour l’extradition.

Meng Wanzhou a été arrêtée à l’aéroport de Vancouver en décembre 2018 à la demande des États-Unis, où elle fait face à des accusations de fraude. Elle est soupçonnée d’avoir menti à la Banque HSBC au sujet des relations de son entreprise avec Skycom en Iran. Elle aurait assuré un cadre supérieur de la banque que Huawei avait cédé toutes les actions de cette société en Iran et que Skycom était dorénavant un partenaire local de la société chinoise.

Peu de temps après, Huawei a annoncé qu’elle avait reçu un prêt de 1,5 milliard US d’un groupe de banques internationales dont HSBC était le principal bailleur. Le rôle de Mme Meng dans cette affaire suffit, selon Washington, pour justifier son extradition vers les États-Unis.

L’arrestation de Meng Wanzhou a causé une forte détérioration des relations politiques et commerciales entre le Canada et la Chine.