Nouvelles façons de faire visant à retenir les effectifs, allongement de la durée des contrats, amélioration du recrutement, embauche d’enquêteurs d’expérience et accroissement de leur formation, nouvel organigramme, nouvelle structure, nouveau logo ; sérieusement malmenée au cours des dernières années, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) repart en neuf, a appris La Presse.

Il y a deux semaines, le commissaire de l’UPAC nommé il y a un an, Frédérick Gaudreau, a rencontré ses employés de façon virtuelle. Il leur a présenté le nouveau logo de l’unité et a annoncé plusieurs changements à venir qui permettront au nouveau corps de police d’être plus autonome et performant, et de pouvoir repartir sur de nouvelles bases.

« Les enquêteurs et employés ont extrêmement confiance envers le commissaire Frédérick Gaudreau et son équipe », a écrit à La Presse une source qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias.

M. Gaudreau a refusé notre demande d’entrevue. Le porte-parole de l’UPAC, Mathieu Galarneau, nous a répondu que le commissaire « souhaite attendre le dépôt du rapport annuel de gestion avant de rencontrer les journalistes ».

Une conférence de presse, assortie d’un breffage technique, pourrait toutefois avoir lieu au début du mois prochain.

Après son arrivée, le commissaire Gaudreau a admis un problème de recrutement à l’UPAC, qui est devenue une véritable porte d’entrée pour de jeunes enquêteurs inexpérimentés alors que les dossiers souvent compliqués de corruption demandent au contraire une certaine expertise.

Cette problématique et l’important taux de roulement des enquêteurs, notamment ceux en prêt de service dont les contrats sont moins longs que les enquêtes elles-mêmes, causant ainsi des délais dans les investigations, ont été soulignés dans le rapport du Comité de surveillance de l’UPAC, déposé il y a deux semaines.

Le Comité a fait des recommandations, dont plusieurs seraient reprises dans les changements qui s’en viennent à l’Unité permanente anticorruption.

Ainsi, les équipes d’enquêteurs expérimentés et moins aguerris, de l’externe et de l’interne, seraient jumelées, pour avoir une plus grande homogénéité.

La durée des prêts de service et des contrats d’enquêteurs de l’extérieur serait revue à la hausse, et le recrutement, amélioré, de façon à attirer des enquêteurs d’expérience ou spécialisés dans un domaine particulier.

Des enquêteurs civils pourraient suivre des formations réservées normalement aux policiers à l’École nationale de police du Québec, pour accroître leurs compétences en matière d’enquête.

Les changements concerneraient également la rigueur dans la gestion de la preuve, des enquêtes, qui sont souvent longues, et des dossiers, souvent compliqués.

En mars dernier, un nouveau commissaire associé aux enquêtes est arrivé à l’UPAC : Sylvain Baillargeon. L’homme, qui est très respecté, a notamment été directeur adjoint et patron des Crimes contre la personne à la Sûreté du Québec.

Un bilan très mitigé

L’UPAC a été largement critiquée dans les médias ces dernières années, notamment en raison de fuites médiatiques, dont certaines ont eu un impact sur des causes devant les tribunaux.

Son ancien commissaire, Robert Lafrenière, et des enquêteurs de l’UPAC sont toujours visés dans l’enquête Serment que le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) mène sur les fuites à l’UPAC et sur la façon dont celle-ci a dirigé l’enquête qui a débouché sur l’arrestation de Guy Ouellette, en octobre 2017.

Au cours des derniers mois, plusieurs accusés dans des projets de l’UPAC ont été acquittés ou ont bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire, provoquant un certain cynisme au sein de la population.

Selon des chiffres fournis par l’UPAC et obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, depuis la création de l’Escouade Marteau – ancêtre de l’UPAC –, en 2009, jusqu’au 31 mars dernier, 190 individus et 14 personnes morales ont été accusés à la suite d’enquêtes de l’UPAC.

De ce nombre, toujours au 31 mars dernier, 101 individus et 4 personnes morales ont été condamnés, 31 suspects et 6 personnes morales ont bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire, 26 individus et 3 personnes morales ont été acquittés, et 6 accusés sont morts durant les procédures. Il restait également 25 personnes dont les causes étaient toujours actives.

Selon le site internet de l’UPAC, depuis le 31 mars, deux individus et une entreprise ont été condamnés.

Il faut également ajouter dans les personnes qui ont obtenu un arrêt du processus judiciaire l’ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau, l’ancien ministre libéral et vice-président de Roche Marc-Yvan Côté et leurs quatre coaccusés, libérés à la fin de septembre.

À la « nouvelle » UPAC, on voudra certainement inverser cette tendance et améliorer ces statistiques.

– Avec la collaboration de William Leclerc