Menacer de tuer des femmes le jour de la commémoration des 30 ans de la tuerie de Polytechnique est un geste criminel pris très au sérieux, même si on « bavarde » avec des amis sur Twitter. Mais en raison de ses remords et de son bon parcours, le jeune agent de sécurité s’en tire avec une absolution conditionnelle pour avoir menacé de reproduire la tuerie de Polytechnique.

C’est par « insouciance et impulsivité » que Mohamed Ilyes Krimed, cégépien de 20 ans, a lancé cette menace à faire frémir, alors que tout le Québec commémorait le féminicide de 14 femmes. Le Montréalais a plaidé coupable il y a deux semaines d’avoir proféré des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles à des femmes. Il faisait alors face à une accusation plus grave d’incitation publique à la haine.

« Le 6 décembre 2019, il s’agit d’une journée bien spéciale. Il s’agit de la date de commémoration de la tuerie de Polytechnique où plusieurs femmes y ont laissé leur vie il y a 30 ans. Cette journée, M. Krimed a publié un tweet dans lequel il dit qu’il faudrait reproduire cette tuerie », explique la juge Sonia Mastro Matteo dans sa décision du 17 juillet dernier.

La teneur exacte de ses propos n’a pas été précisée en cour. Mais La Presse rapportait en décembre dernier qu’il aurait notamment écrit un troublant message après avoir indiqué vouloir « refaire » la tuerie : « Ne vous inquiétez pas, mais dites à vos sœurs et vos filles de ne pas aller à l’école aujourd’hui. » Il aurait également publié une courte vidéo montrant un pistolet.

Ce message a été écrit de façon « impulsive » et sans préméditation, selon les faits admis lors de sa reconnaissance de culpabilité. L’homme de 20 ans avait été arrêté le jour même par les policiers du Groupe tactique d’intervention et un maître-chien, qui n’ont pas trouvé d’arme chez lui.

« Erreur de parcours »

La défense a brossé le portrait d’un élève « assidu » au cégep qui aspire à devenir avocat. Selon un rapport psychologique, le jeune homme « bavardait avec des amis » lorsqu’il a écrit ses propos menaçants.

Il a agi avec insouciance et impulsivité. Il n’a pas mesuré les conséquences de ces gestes. Il éprouve des sentiments de honte et démontre des remords.

La juge Sonia Mastro Matteo

Le psychologue conclut que Mohamed Ilyes Krimed n’a aucun trouble de personnalité et n’a aucun risque de récidive. Selon la procureure de la Couronne MAudrey Lapointe et l’avocat de la défense MMichel Brunet, il s’agit d’une « erreur de parcours » de la part du jeune homme. C’est pourquoi ils ont suggéré une absolution conditionnelle, une des peines les moins graves du Code criminel.

« Le Tribunal retient donc les facteurs atténuants dans cette affaire, malgré la gravité suggestive de l’infraction qui découle de l’immaturité de M. Krimed qui n’a pas mesuré l’ampleur de ses propos », conclut la juge.

Le jeune homme, qui a commencé chez Garda, travaillait à temps partiel pour la firme IFS Sécurité, a-t-on indiqué en cour. Le président de l’entreprise, Jean-Patrick Larivière, a affirmé à La Presse que M. Krimed a été congédié sur-le-champ dès qu’il a appris la nouvelle lundi. « C’est absolument contraire à nos valeurs. Jamais on ne va tolérer ça de la part de nos employés », a-t-il assuré.

Selon le registre du Bureau de la sécurité privée, le permis de gardiennage de Mohamed Ilyes Krimed est toujours valide jusqu’en 2024. Mais il risque maintenant de le perdre, puisqu’en vertu de la Loi sur la sécurité privée, le détenteur d’un permis ne doit jamais avoir été reconnu coupable d’une infraction au Code criminel, à moins d’avoir obtenu un pardon. Le Bureau peut révoquer un permis si le détenteur ne satisfait plus aux conditions de la Loi. La Sûreté du Québec doit toutefois en informer le Bureau.

Compte tenu de son absolution, le Montréalais devra respecter une probation de deux ans, dont un an avec suivi. Dans quelques années, il pourra ensuite demander le retrait de son casier judiciaire.