Trois ans après le meurtre de Daphné Huard-Boudreault par son ex-conjoint, les parents et la belle-mère de la jeune femme ont remporté leur bataille devant les tribunaux pour se faire reconnaître comme des victimes de ce meurtre odieux. Leur avocat Marc Bellemare dénonce le « dénigrement systématique » des victimes par le ministère de la Justice et le service d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC).

« Je suis bien placé pour dire que, malgré les beaux discours des politiciens, les victimes sont traitées comme des moins que rien au Québec. […] L’IVAC qui nous a ignorés et méprisés pendant trois ans, jusqu’à ce que les jugements tonnent en notre faveur. Je suis content du résultat, mais terriblement aigri de cette expérience dégradante face à l'IVAC », a réagi par communiqué Éric Boudreault, le père de Daphné Huard-Boudreault.

Attirée dans un sinistre guet-apens par son ex-conjoint jaloux, la femme de 18 ans a été étranglée et poignardée une quinzaine de fois dans leur appartement de Mont-Saint-Hilaire, il y a trois ans. Quelques heures plus tôt, Daphné Huard-Boudreault avait contacté les policiers parce qu'Anthony Pratte-Lops refusait de quitter son lieu de travail.

Décrit comme un homme « contrôlant, possessif et jaloux », Anthony Pratte-Lops traquait son ex-copine jour et nuit depuis une semaine. Même s’il a haussé le ton et a insulté la jeune femme devant les policiers, le meurtrier n’a pas été arrêté, puisque la victime refusait de porter plainte et ne portait aucune marque de violence apparente. Anthony Pratte-Lops a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 18 ans, l’an dernier.

Traumatisés par le meurtre de leur Daphné, sa mère Mélanie Huard, son père Éric Boudreault et la conjointe de ce dernier, Claudine Halde, ont déposé une demande de prestations à l’IVAC, laquelle a été refusée.

L’IVAC avait d’abord refusé leur demande parce que les trois parents n’avaient pas été personnellement victimes d’un acte criminel. Ils ont cependant été témoin du transport du corps de la jeune femme sur une civière le jour fatidique, ce qui a provoqué un choc mental, a conclu le Tribunal administratif du Québec (TAQ) qui leur a finalement donné raison en appel ce mois-ci.

Dans les dernières années, les tribunaux ont élargi la notion de victimes. Il n’est plus nécessaire d’être présent sur les lieux d’un crime pendant la perpétration de l’acte criminel pour être une victime. Bref, lorsque M. Boudreault arrive sur les lieux, illustre le TAQ, la scène du meurtre est encore active. Il a ainsi un lien « suffisamment étroit » avec la scène pour considérer avoir été blessé à l’occasion de la perpétration du crime.

Cette décision est lourde de conséquences pour Claudine Halde et les parents de la victime, puisqu’elle leur permet d’être admissibles au remboursement de leurs frais de thérapie. Ils pourront également être compensés pour leurs pertes de revenus en cas d’arrêt de travail pendant toute leur vie.

Trois ans plus tard, ils peinent toutefois à se relever de la perte de leur Daphné. « Les plaies sont encore vives. Je dors mal, je n’ai jamais récupéré mon sommeil d’antan. Les cauchemars et les flashbacks meublent mon quotidien, la peur et l’anxiété ne me quittent pas. Ce combat contre l’IVAC a compliqué mon deuil », soutient Mélanie Huard, la mère de Daphné.