Lundi matin, sur le babillard électronique extérieur de l’hôtel de ville de Louiseville, les visages de Mélissa Blais, Philippe Lajoie et Sébastien Dupuis, disparus depuis plusieurs années, sont affichés.

Les photos des trois personnes qui manquent à l’appel seront diffusées en boucle pendant dix jours. Le geste rappelle à la population que même après plusieurs années, voire même une décennie entière, les informations fournies par le public peuvent être décisives dans des dossiers de disparitions ou de meurtres non élucidés.

« Notre message est clair : si quelqu’un possède de l’information, on lui demande de parler », lance d’emblée Stéphane Luce, président et fondateur de Meurtres et Disparitions Irrésolus du Québec (MDIQ). L’organisme sans but lucratif donne un regain de visibilité à des dossiers irrésolus de meurtres et de disparitions criminelles au Québec. M. Luce voit grand. Il souhaite monter une base de données officielle pour constamment suivre ou relancer les enquêtes actives ou inactives. Il espère permettre aux familles des disparus d’entretenir l’espoir de pouvoir un jour tourner la page.

Stéphane Luce est bien placé pour comprendre la profonde détresse liée à la perte inexpliquée d’un proche. Sa mère a été violemment assassinée en 1981 dans sa propre résidence, à Longueuil. Il avait 13 ans. « Il n’y a jamais eu d’arrestation. Ça m’a énormément affecté. Longtemps, je me suis senti frustré et impuissant », confie-t-il. Peu à peu, il réalise qu’il n’est pas le seul à vivre avec la douleur de ne pas savoir, même si la cicatrice ne se refermera jamais complètement.

Il fonde l’organisme MDIQ en mars 2017. L’homme de 52 ans sollicite les propriétaires de babillards électroniques un peu partout dans la province. « Ce matin, peu de temps après la diffusion des images à Louiseville, j’ai reçu l’appel d’une personne intéressée », dit-il la voix pleine d’énergie.

En février 2018, des affiches ont été placardées sur des semi-remorques, une initiative qui a permis de donner à des cas oubliés du grand public une importante visibilité, selon M. Luce. Sa mission ne se limite pas à l’affichage. Il organise des levées de fonds pour les familles des victimes et des activités de recherches.

Peur de parler, peur d’afficher

Même si ces dossiers irrésolus touchent la population, les gens appréhendent parfois de parler aux policiers et préfèrent passer par son organisme, explique Stéphane Luce. « Nous sommes souvent sollicités. Les gens nous approchent avec des témoignages, qu’on transmet aux policiers. »

Pourquoi hésiter à partager une information, aussi minime soit-elle, qui pourrait faire évoluer une enquête ? « C’est la crainte d’être jugé responsable du crime, de se faire demander pourquoi et comment on a obtenu l’information », répond du tac au tac le fondateur de MDIQ.

Les politiques d’affichage des enseignes numériques gérées par les villes ne facilitent pas le type de partenariat entrepris par M. Luce, explique Guillaume St-Pierre, porte-parole de la Ville de Louiseville, située en Mauricie. « Parfois, les villes ne collaborent pas car ce genre de contenu non-publicitaire est exclu afin de ne pas créer de précédent. Le Conseil de ville a tout de même accepté la demande. »

La disparition de Mélissa Blais en novembre 2017 a causé beaucoup d’émoi à Louiseville, selon M. St-Pierre. « Nous avons décidé de donner un coup de main. En affichant ces images sur notre babillard, on sensibilise les citoyens à la cause en leur rappelant que ces dossiers ne sont pas réglés. »