Malgré des menaces à sa sécurité, l'ancien président canadien du groupe de motards des Rock Machine, Jean-François Émard, a obtenu vendredi matin le droit d'aller en maison de transition.

Les commissaires aux libérations conditionnelles lui avaient accordé sa semi-liberté au début du mois de mai mais au lendemain de l'audience, coup de théâtre, des informations étaient parvenues aux oreilles de la commission selon lesquelles un contrat avait été mis sur la tête d'Émard, et sa libération avait été suspendue pour sa protection.

Comme le prévoit la loi, l'ex-motard a pu de nouveau se présenter devant les commissaires vendredi matin et malgré un avis contraire de son agente de libération, ceux-ci ont accepté de le libérer partiellement, sous de fortes conditions.

«Nous avons tenu compte de la fiabilité de l'information (sur la menace à sa sécurité), la fiabilité de la source, du fait que cette information était parvenue aux services correctionnels avant votre audience et qu'aucune mesure n'avait été prise pour gérer votre sécurité. Malgré l'information, nous jugeons que le risque pour vous n'est pas augmenté», ont jugé les commissaires.

Menaces peu inquiétantes

Les oreilles de l'homme qui aurait fait des menaces à Émard ont dû «lui siller» vendredi matin, pour emprunter une expression populaire, même si son nom n'a jamais été prononcé. Il s'agirait d'un membre ou ex membre des Rock Machine.

«Cette personne là n'aurait absolument pas les ressources pour me faire du mal. Sur une échelle de 0 à 10... c'est en bas de zéro.»

«Si l'information avait été vraie, je ne pourrais pas marcher dans la cour du pénitencier car des détenus se seraient informés (pour la prime sur sa tête) et on m'aurait sorti d'ici.»

«Au contraire, depuis que des articles sont parus sur les menaces à ma sécurité, des gens viennent me voir et me disent que ce n'est pas vrai», a disserté l'ex motard.

Émard a tout de même été victime d'une tentative de meurtre et blessé par balle au bras en 2014 et il jure que l'affaire est aujourd'hui réglée. «Oui j'avais eu des menaces à l'époque. C'était encore la guerre avec les Hells Angels. J'ai fait la paix avec eux en 2015-2016 et cela a même été entériné par la sécurité préventive», s'est-il défendu.

Une histoire de saucisse...

Les étudiants en criminologie auraient apprécié l'audience de vendredi matin; quelques échanges inhabituels entre les commissaires et le délinquant lui ont donné un petit côté parfois vaudevillesque.

Notamment lorsqu'il a été question de détenus qui ont récemment montré Émard du doigt pour le vol d'une saucisse. L'affaire a fini en échange verbal viril entre incarcérés. L'ancien motard a répondu aux questions avec une lassitude qui a été ressentie comme de l'arrogance par les commissaires.

«Vous vous adressez à nous avec sarcasme. Nous ne sommes pas des enfants. Vous vous adressez à la Commission. Nous vous demandons le respect», a lancé l'une des commissaires.

«J'ai l'impression que n'importe qui peut dire n'importe quoi sur moi, et qu'il faut que je me défende. On dirait que je me sens persécuté, et je trouve ça dur», dira Émard durant l'audience.

Les commissaires l'ont ramené à l'ordre une autre fois lorsque l'ancien motard a laissé entendre que les informations de menaces sur sa vie pourraient avoir un lien avec l'incident au cours duquel un policier de la Sureté du Québec l'avait frappé dans une cellule du poste de Salaberry-de-Valleyfield en octobre 2014. Il a rappelé qu'il poursuivait Québec au civil et a accusé la SQ de faire circuler une information voulant que les Hells Angels de Sherbrooke veulent le tuer.

«La théorie du complot, vous pouvez la ressortir mais nous, nous sommes là pour évaluer le risque pour la communauté», a dit une commissaire, en interrompant Émard dans son envolée.

Et le risque pour la communauté, les commissaires ont voulu le minimiser en imposant à Émard de sévères conditions, entre autres, de ne pas fréquenter les débits de boisson ni les individus ayant des antécédents criminels, de divulguer toutes ses transactions financières, de respecter un couvre-feu entre 22h et 6h et de se tenir occupé par le travail, les études ou le bénévolat.

«Aujourd'hui, je suis capable de dire que je suis un ancien criminel. Je ne veux plus faire partie de ce milieu. Je suis prêt à être un citoyen. Je veux travailler. Je veux le faire pour moi, mes enfants et ma famille», a conclu Émard qui obtiendra sa libération d'office dans six mois.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.