Malgré une décision de la Cour supérieure qui lui est favorable, la Ville de Montréal a décidé de suspendre l'euthanasie du pitbull agressif Shotta, qui a blessé six personnes à Montréal-Nord en août dernier.

La Ville dit avoir reçu la confirmation de l'avocate Anne-France Goldwater qu'elle portera en appel un jugement de la Cour supérieure rendu mardi, bloquant sa tentative de sauver l'animal en le confiant au refuge américain Road to Home Rescue Support.

L'animal demeure officiellement en la possession de l'arrondissement de Montréal-Nord pour le moment, mais c'est la SPCA qui en a assure la garde. «L'arrondissement attend réception imminente des procédures d'appel et des délais de présentation annoncés. Dans l'intervalle, l'euthanasie du chien est suspendue», a indiqué par courriel la porte-parole Gabrielle Fontaine-Giroux 

Road to Home Rescue Support, basé dans l'État de New York, promet de donner une seconde chance à l'animal en dépit de son comportement agressif. En août dernier, alors qu'il était accueilli temporairement par Frances Richardson, le chien de type pitbull avait mordu grièvement deux de ses petits-enfants, en plus de blesser quatre adultes.

Mardi, le juge Lukasz Granosik a refusé la demande en pourvoi en contrôle judiciaire déposée par le refuge et défendue par Me Goldwater, jugeant que l'organisme «ne possède pas la qualité juridique» pour réclamer la sauvegarde de l'animal, et qu'aucune preuve n'a démontré qu'il est dans sa mission «de secourir tous les animaux, peu importe où ils se trouvent dans le monde». Il a aussi estimé que la propriétaire du chien, Christa Frineau, qui s'est jointe au recours la semaine dernière, s'est manifestée beaucoup trop tard pour s'opposer à la mise à mort de son animal.

L'animal est dans un état «pitoyable», a noté le juge Granosik: «en cage depuis plusieurs mois et coupé de son environnement et de ses maîtres, son état se détériore, il est gavé d'anxiolytiques et ses activités sont limitées. Il dépérit», lit-on dans sa décision.  

La SPCA a réclamé mercredi un «dénouement rapide » de cette histoire. «Compte tenu de l'historique de Shotta et de son comportement, nous devons prendre des précautions particulières lors de ses sorties de son enclos, ainsi que lors de ses interactions avec les humains, afin d'assurer la sécurité de nos employés», a affirmé la porte-parole Anita Kapucinska dans un courriel.

«En plus de compromettre le bien-être de Shotta, la situation est très difficile à vivre pour notre personnel, qui est témoin, au quotidien, des importantes restrictions dont il fait l'objet et de l'impact majeur sur sa qualité de vie.»

Devant le tribunal, Me Goldwater s'est dite prête à pousser cette cause jusqu'en Cour suprême si nécessaire. L'avocate base une partie de son argumentaire sur les nouvelles dispositions de la loi québécoise reconnaissant les animaux comme des êtres «doués de sensibilité», à l'égard de qui les humains «doivent veiller au bien-être et à la sécurité».

«Cette loi est arrivée au Québec comme un cheveu sur la soupe et aujourd'hui, aucun tribunal ne veut la prendre en considération», a déploré Me Goldwater en entrevue à La Presse.

«Je sais que bien des gens aiment les théories du complot, mais il n'y a pas de "lobby pro-pitbull" qui finance cette démarche, assure l'avocate. C'est moi et mon fils (également avocat) qui menons la chose et en assumons les coûts, parce qu'il y a beaucoup de Québécois qui veulent savoir si la Loi sur la sécurité et le bien-être animal a véritablement des pouvoirs.»