Son nom, pour le moment du moins, ne frappe pas l'imagination comme ceux de Réal Simard, Donald Lavoie, Gérald Gallant ou Yves Trudeau, mais Frederick Silva, appréhendé dans la nuit de vendredi à hier dans la rue Duke, dans le centre-ville de Montréal, est peut-être un autre tueur à gages à ranger dans la même catégorie.

À une différence près - elle est de taille et pourrait avoir un impact majeur dans le milieu du crime organisé montréalais et québécois au cours des prochains mois : contrairement aux autres tueurs à gages célèbres du Québec, Silva n'aurait pas travaillé exclusivement pour un seul camp, il aurait été « contractuel » pour plusieurs organisations criminelles. En fait, il est probablement un produit du crime organisé actuel, où tous les groupes criminels sont mélangés et travaillent main dans la main.

Le prédateur devenu proie

« Silva était un prédateur dehors. Maintenant qu'il a été arrêté, il est une proie », a expliqué une source policière à La Presse. Et elle a bien raison.

Silva est officiellement accusé de deux meurtres et d'une tentative de meurtre contre un chef de clan de la mafia. Mais il serait soupçonné d'en avoir commis une dizaine d'autres, plusieurs alors même qu'il était en fuite.

La plupart des victimes étaient liées à des organisations criminelles et la première question que l'on doit naturellement se poser est la suivante : comment réagira le crime organisé envers Silva ? Est-ce que celui qu'on soupçonne d'être un tueur à gages sera soutenu ou non par ceux qui auraient été ses commanditaires ?

Et comment réagiront les hauts dirigeants des différentes cellules du crime organisé qui auraient eu recours aux services de Silva envers ceux qui auraient passé directement les contrats ? 

Il est encore trop tôt pour répondre à ces interrogations, mais une chose est sûre, l'arrestation de Silva risque d'avoir un impact au sein du crime organisé.

Le prédateur n'est plus là. Des gens qui avaient des raisons de le craindre ne le craindront plus. Au contraire, ceux qui l'avaient dans leur poche ne l'y ont plus. Le vent pourrait tourner. Des ripostes à la suite de meurtres et de tentatives de meurtre commis ces derniers mois et ces dernières années pourraient survenir, des règlements de comptes pourraient se produire. Déjà, ceux-ci sont un peu plus nombreux au sein du crime organisé depuis quelques mois, après une relative accalmie.

« La structure du crime organisé est ébranlée depuis hier. Des organisations sont fragilisées alors que d'autres se sentent plus en sécurité. »

- Une source policière, à La Presse

Le gibier sur la table

Capturé, Silva est une proie. Pourrait-il être tenté de collaborer avec la police et de se mettre à table, comme le veut une expression consacrée ?

Des policiers croient qu'il n'est pas du genre à le faire. Mais qu'ont en commun Simard, Lavoie, Trudeau et Gallant ? Ils ont tous collaboré avec la police, pour une raison ou pour une autre, notamment parce qu'ils ne se sont pas sentis appuyés par leur « organisation employeuse », et eux n'en avaient qu'une seule.

Il est certain que la police mettra Silva devant un choix et tentera de lui faire retourner sa veste. Les enquêteurs des crimes majeurs y mettront toute leur rigueur et ceux du crime organisé, toutes leurs connaissances. Son arrestation est un exemple de l'efficacité des enquêteurs des homicides, du crime organisé, du renseignement, et des membres de la filature et du Groupe tactique d'intervention, lorsqu'ils mettent en commun leurs ressources. Ils continueront dans le but d'élucider le plus de crimes possible pour lesquels Silva est soupçonné.

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Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Frederick Silva