L'Unité permanente anticorruption (UPAC) et la Régie du bâtiment ont mené des perquisitions au nord de Montréal, mardi, dans le cadre d'une enquête sur la façon dont sont construites les infrastructures de voirie pour les promoteurs immobiliers dans les nouveaux ensembles résidentiels.

Les enquêteurs ont fait irruption dans deux firmes de génie de Joliette et de Piedmont, en matinée. Les firmes visitées ne seraient pas elles-mêmes visées par l'enquête, selon nos informations. Les enquêteurs voulaient plutôt mettre la main sur la documentation liée aux promoteurs immobiliers qui ont acheté des plans pour la construction de rues dans de nouveaux lotissements, selon ce qu'a appris La Presse.

Selon nos informations, les enquêteurs croient que les voies publiques dans certains nouveaux ensembles résidentiels ont été construites sans que les responsables détiennent la licence appropriée de la Régie du bâtiment.

Terrains prêts pour construire

Me Mélissa Dionne, une avocate au sein du cabinet spécialisé Crochetière Pétrin, affirme avoir eu vent depuis plusieurs mois de promoteurs qui ont reçu la visite d'enquêteurs à ce sujet.

Les personnes ciblées seraient «essentiellement des sociétés chargées de vendre des terrains prêts à construire» selon elle.

Dans bien des cas, un promoteur va diviser une grande parcelle de terre en plusieurs petits lots individuels, afin de les vendre à ceux qui souhaitent y bâtir une maison. Le promoteur engage souvent un entrepreneur licencié pour aménager des rues dans son lotissement. Il est courant que les routes construites soient ensuite cédées à la municipalité pour la somme de 1 $.

Or, la loi québécoise exige d'un entrepreneur qu'il détienne une licence appropriée de la Régie du bâtiment s'il offre en vente un ouvrage de génie civil, à moins de pouvoir démontrer que l'ouvrage n'a pas été construit dans un but de revente.

À partir des témoignages recueillis, Me Dionne croit comprendre que la Régie a l'intention de considérer la cession des routes pour 1 $ comme une vente, et d'exiger que le propriétaire des terrains détienne lui-même une licence d'entrepreneur en construction, même s'il a engagé des gens licenciés pour réaliser les travaux de voirie.

La question peut paraître essentiellement technique, mais elle pourrait avoir un gros impact sur les promoteurs qui ont fait aménager des infrastructures dans leurs projets résidentiels.

«Un entrepreneur qui exécute des travaux sans licence de la Régie du bâtiment, ou sans la bonne licence, s'expose à des amendes.»

L'avocate s'explique mal la conduite des enquêteurs jusqu'ici. «La loi n'a pas été rédigée dans le but de viser ces situations-là ! À l'époque, le but était d'assurer la qualité des travaux de construction, la sécurité du public qui accède aux lieux et la qualification professionnelle des entrepreneurs. On visait surtout à attraper des personnes qui auraient fait des travaux sans détenir de licence», souligne-t-elle.

L'enquête se poursuit

Le porte-parole de l'UPAC, Mathieu Delisle, s'est limité à confirmer qu'une opération avait eu lieu mardi, sans entrer davantage dans les détails puisque l'enquête se poursuit.

Préoccupée par les démarches des enquêteurs ces derniers mois, l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ) suit le dossier de près. Le regroupement a déjà organisé des discussions à ce sujet avec ses membres à la fin de l'été.