Les corps policiers canadiens ont enregistré l’an dernier tout près de 150 000 fraudes et vols d’identité, une hausse de 12 % par rapport à 2017.

Alors qu’une importante fuite de données personnelles touche Desjardins, les corps policiers constatent une hausse marquée des cas de fraude et de vol d’identité au Canada. Statistique Canada rapporte une augmentation de 12 % de ces crimes, principal facteur derrière la croissance de la criminalité observée en 2018.

Les corps policiers canadiens ont enregistré l’an dernier tout près de 150 000 fraudes et vols d’identité. En fait, 2018 a marqué la 7e année d’affilée à afficher une hausse de ce type de crime. Au total, depuis 2011, le nombre de cas a ainsi augmenté de 58 %.

« Ça confirme ce qu’on voit, mais nous croyons que les taux sont en réalité plus élevés encore que ce qui est rapporté », dit Jeff Thomson, responsable de la sensibilisation au Centre antifraude du Canada.

M. Thomson souligne en effet que les victimes de fraude peuvent se montrer réticentes à porter plainte, craignant d’être stigmatisées. « Plus la fraude a une répercussion psychologique importante, comme dans le cas d’arnaques amoureuses, moins les gens ont tendance à les rapporter », explique M. Thomson. Il fait ainsi référence à ces stratagèmes qui cherchent à soutirer des sommes en faisant croire à une relation romantique.

Le Québec, moins touché ?

À en croire les données de Statistique Canada, le Québec serait moins touché par les cas de fraude. Les policiers québécois ont enregistré un peu moins de 17 000 cas l’an dernier, soit un taux de 202 fraudes par 100 000 habitants. C’est bien en deçà de la moyenne canadienne de 349. En comparaison, l’Alberta a enregistré davantage de cas de fraude (22 100) que le Québec, alors que sa population représente la moitié.

À l’inverse, les cas de vol et de fraude d’identité rapportés à la police sont plus élevés au Québec. La province affiche un taux de 71 cas par 100 000 habitants. C’est davantage que la moyenne canadienne de 53 cas par 100 000 habitants.

Le Centre antifraude ne croit pas que le Québec soit plus ou moins touché que les autres provinces par la fraude et le vol d’identité. Jeff Thomson attribue davantage ces écarts au faible taux de dénonciation pour ce type de crimes.

Sensibilisation

Or tout le battage médiatique ayant entouré le vol de données chez Desjardins en juin pourrait maintenant contribuer à faire augmenter le nombre de dénonciations au Québec. Le Centre antifraude ne serait ainsi pas étonné de voir une hausse l’an prochain, les cas hautement médiatisés ayant souvent un effet d’entraînement.

« Chaque fois qu’une entreprise est victime d’un vol de données ou d’une fraude, ça se solde par une hausse des plaintes », note M. Thomson.

Statistique Canada estime d’ailleurs que la forte médiatisation en 2018 de certaines arnaques fréquentes, comme des criminels se faisant passer pour des représentants de l’Agence du revenu du Canada, a aussi pu contribuer à la hausse observée l’an dernier. La croissance pourrait aussi être attribuable en partie à la facilitation des procédures en ligne pour signaler des cas de fraude.

120 millions Le Centre antifraude évalue les pertes dues à la fraude à plus de 120 millions en 2018, dont 18 millions au Québec. Et la situation semble loin de vouloir se calmer alors que les pertes durant les six premiers mois de 2019 sont actuellement évaluées à 60 millions.

L’extorsion représente la principale forme de fraude au Canada, suivi de l’hameçonnage et des services non rendus, selon le Centre antifraude. Ce sont toutefois les arnaques amoureuses qui ont généré les plus importantes pertes, soit tout près de 27 millions l’an dernier.

Fraudeurs agressifs

Le Centre antifraude note que certains fraudeurs se font de plus en plus agressifs pour convaincre leurs victimes de payer. « Les fraudes aujourd’hui sont plus agressives et menaçantes. Certains fraudeurs ne prennent même plus la peine d’essayer de vous duper, ils tentent simplement de vous faire peur pour vous forcer à leur envoyer de l’argent », constate M. Thomson.

Des gens pris pour cibles par de faux représentants de l’Agence du revenu du Canada ont ainsi été menacés d’aller en prison s’ils ne payaient pas. Dans une arnaque répandue l’an dernier, des personnes envoyaient un courriel prétendant avoir filmé leur destinataire en train de regarder de la pornographie en ligne et menaçaient de diffuser les images si celui-ci refusait de payer.

Principal facteur

Les cas de fraude ont tellement augmenté en 2018 qu’ils représentent le principal facteur de la hausse de la criminalité observée l’an dernier au pays. Statistique Canada a en effet rapporté hier une hausse de 2 % du nombre de crimes signalés à la police.

Le taux de criminalité au Canada s’est ainsi établi à 5488 affaires par tranche de 100 000 habitants. C’est la quatrième année de suite où la criminalité augmente au pays après une longue tendance à la baisse depuis le début des années 90. Il reste que, malgré cette hausse observée depuis quatre ans, le taux de criminalité s’est établi à la moitié de celui du sommet atteint en 1991.

Cette récente vague a toutefois relativement épargné le Québec. La province a plutôt observé une baisse de 3 %, alors que son taux de criminalité s’est établi à 3304 affaires par 100 000 habitants. En tenant compte de la gravité des crimes perpétrés, le Québec arrive au deuxième rang, tout juste derrière l’Île-du-Prince-Édouard. Les grandes villes québécoises se classent d’ailleurs parmi les plus sûres au pays, Montréal et Québec affichant respectivement un taux de 3275 et 3075 affaires par 100 000 habitants.

Le rapport de Statistique Canada en bref

Agressions sexuelles plus dénoncées

Les données sur la criminalité rendues publiques hier par Statistique Canada permettent de constater que le nombre d’agressions sexuelles signalées à la police a augmenté de façon marquée pour la quatrième année de suite. Les policiers canadiens ont enregistré un total de 28 700 cas en 2018, une hausse de 15 %. Signe que les mouvements de dénonciation comme #moiaussi font effet, Statistique Canada constate que les dénonciations ont augmenté dans toutes les provinces. Par ailleurs, la proportion de plaintes jugées non fondées a diminué. Les policiers canadiens ont classé 11 % des plaintes, ce qui est nettement moins que les 14 % observées en 2017.

Homicides en baisse

Après la hausse observée en 2017, le nombre d’homicides a reculé en 2018. Les policiers ont recensé 651 meurtres, soit un taux de 1,76 par 100 000 habitants. Bien des provinces ont enregistré des baisses, mais l’Ontario a effacé une partie des progrès en enregistrant 69 meurtres de plus que l’année précédente. Le Québec fait meilleure figure alors que le taux d’homicides est tombé à 0,99 cas par 100 000 habitants, en baisse de 12 %. Dans sa compilation, Statistique Canada constate qu’une victime de meurtre sur cinq est d’origine autochtone, alors que ces personnes ne représentent que 5 % de la population.

Drogue au volant

Alors que le cannabis a été légalisé en octobre 2018, les policiers ont observé l’an dernier une hausse du quart des cas de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues. Les corps policiers rapportent ainsi 4423 cas, soit 929 de plus que l’année précédente. Il reste que l’alcool demeure le principal facteur de conduite avec les facultés affaiblies, avec plus de 65 000 cas l’an dernier. Globalement, les cas de facultés affaiblies sont demeurés stables au Canada, tandis que le Québec a enregistré une baisse de 2 %.

Crimes haineux en baisse

Après avoir bondi en 2017, les crimes motivés par la haine ont reculé de 13 % l’an dernier. Les policiers ont enregistré 1798 affaires, contre un sommet de 2073 cas signalés l’année précédente. Bien qu’en baisse, ce chiffre demeure plus élevé qu’il y a 10 ans, note Statistique Canada. La diminution des crimes haineux est principalement attribuable à une baisse des incidents enregistrée en Ontario. L’agence fédérale rapporte que les crimes haineux visant les musulmans ont chuté de moitié l’an dernier.