Un homme que la police considérait comme lié à la mafia montréalaise est mort de façon naturelle au début du mois, quelques heures seulement après avoir été accusé dans une affaire de contrebande de tabac.

Domenico Agostino a succombé à une maladie à l’âge de 49 ans, autour du 2 juillet, selon nos informations. Le 26 juin dernier, il a été arrêté et accusé de fabrication de faux dans le cadre d’une enquête commune de la Sûreté du Québec (SQ) et de la police de Montréal baptisée Olios-Médian. Les enquêteurs ont pris pour cibles des membres d’un réseau d’importation et de vente de tabac de contrebande qui auraient fraudé les gouvernements pour 178 millions en taxes impayées. 

Durant l’enquête, des sources avaient confié à La Presse que Domenico Agostino aurait dirigé une branche du réseau qui aurait versé des taxes au clan des fils de Paolo Violi, de la mafia ontarienne. 

Cette allégation n’a toutefois pas encore été éprouvée dans des procédures judiciaires, tout comme la preuve et les 178 millions en taxes prétendument détournées.

M. Agostino n’avait aucun antécédent judiciaire, mais son nom ou ceux de proches ont rebondi dans des enquêtes récentes.

Ainsi, une pâtisserie que sa famille possède dans l’arrondissement Saint-Léonard a été perquisitionnée durant une autre enquête visant des contrebandiers de tabac, le projet Lycose, mené par la SQ en 2014.

En 2011, Domenico Agostino a été observé et écouté durant l’enquête Clemenza de la Gendarmerie royale du Canada visant des clans de la mafia qui semblaient vouloir prendre la relève des Siciliens, étrillés dans l’enquête Colisée, menée en 2006.

« L’Américain vient d’être tué ! » 

Le 24 novembre 2011, Domenico Agostino a été avisé par son cousin Franco Albanese que l’aspirant parrain Salvatore Montagna avait été assassiné. « L’Américain vient d’être tué », a dit Albanese. « Es-tu sérieux ? Où et quand ? », a demandé Agostino. « Très sérieux. À 10 h, ce matin, à Charlemagne », a répondu Albanese, selon des documents judiciaires obtenus par La Presse

« Les gens de New York croient au code. Non seulement ils ont tué un capo, mais un capo d’une famille importante », a écrit le 28 novembre 2011 Agostino à un individu visé dans l’enquête Clemenza, Hansley Lee Joseph.

Toujours selon les mêmes documents, le 20 décembre 2011, après l’arrestation de Raynald Desjardins et de ses complices pour le meurtre de Montagna, Domenico Agostino a envoyé un message texte à son cousin pour lui demander s’il était « à la rencontre d’urgence de la mafia ». 

Depuis les Cotroni

D’après des documents policiers, les Agostino-Albanese étaient des associés des clans calabrais des Cotroni et des Violi, qui dirigeaient la mafia montréalaise avant d’être détrônés par les Siciliens (Rizzuto) au début des années 80. 

L’oncle de Domenico Agostino, Nicodemo Agostino, a été assassiné à Montréal le 9 mars 1984. Il a indiqué à des membres de sa famille qu’il allait à un rendez-vous dans un buffet du boulevard des Grandes-Prairies, dans Saint-Léonard. Quelques heures plus tard, il a été retrouvé tué de plusieurs balles à la tête, derrière le volant de sa voiture. Il avait encore une grosse somme d’argent sur lui. Selon des rapports de l’époque, Nicodemo Agostino habitait en Calabre, en Italie, mais venait passer plusieurs mois à Montréal chaque année. Il était considéré comme un courrier du clan Cotroni. Quelques mois plus tard, le gérant d’une salle de réception, Nicodemo Destefano, a été abattu dans la métropole, et les policiers ont toujours pensé, sans avoir pu le prouver, qu’il aurait pu s’agir d’une riposte à l’assassinat de Nicodemo Agostino. Une dette de drogue aurait été au centre de cette affaire.

Domenico et Giuseppe Violi, les fils de Paolo Violi, ancien parrain de la mafia montréalaise, ont été condamnés respectivement à des peines de 8 ans et de 16 ans de pénitencier, l’an dernier, pour trafic de stupéfiants en Ontario. Selon nos informations, durant l’enquête de la police ontarienne, l’un des Violi conduisait un véhicule enregistré au nom de Domenico Agostino. Les fils de Paolo Violi et leur mère étaient retournés vivre à Hamilton, d’où ils venaient, après le meurtre du parrain calabrais, commis dans son quartier général, le Reggio bar, en février 1978.

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