La poursuite réclame 10 ans de pénitencier et la défense, entre 18 et 30 mois, pour Ebamba Ndutu Lufiau, récemment reconnu coupable de l’homicide involontaire d’un client innocent, tué par balles, dans un café de la rue Fleury, à Montréal, il y a trois ans.

La victime, Angelo D’Onofrio, 72 ans, a été confondu par le tueur avec un membre de la mafia montréalaise, Antonio Vanelli, lui aussi un habitué du café Hillside par lequel il était d’ailleurs passé, en ce jour fatidique du 2 juin 2016.

Au-delà des peines suggérées par chacune des parties, ce sont les témoignages des membres de la famille de la victime qui ont particulièrement retenu l’attention durant les plaidoiries qui se sont déroulées hier, au palais de justice de Montréal.

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Angelo D’Onofrio

Deux témoignages écrits ont été déposés devant le juge Daniel Royer, de la Cour supérieure, dans lesquels les membres de la famille D’Onofrio expriment leur douleur et dressent un parallèle entre la victime et l’accusé, tous deux immigrés.

« Il y a à peu près 60 ans, M. D’Onofrio a quitté l’Italie pour venir s’installer au Canada sans ses possessions et avec l’intention d’y vivre une meilleure vie. Il a tiré profit des opportunités qui lui ont été offertes et, avec persévérance, un travail acharné et une bonne volonté, il a réussi à bien profiter de sa vie. Les parents d’Ebamba Ndutu Lufiau ont fait beaucoup de sacrifices pour lui permettre de venir au Canada pour qu’il vive une meilleure vie, comme M. D’Onofrio. Cependant, au lieu de travailler assidûment et avec acharnement, afin de contribuer à la société d’une manière positive, Lufiau a choisi de s’adonner à une vie criminelle. Ses mauvais choix ont causé une souffrance à une famille entière et enlevé un bon citoyen de ce monde », ont notamment écrit les membres de la famille D’Onofrio.

Depuis la tragédie du 2 juin 2016, la famille D’Onofrio continue de souffrir. Il était dans le crépuscule de sa vie qui lui a été enlevée injustement. Les actions inhumaines de cette terrible journée ne devraient jamais être pardonnées.

La famille D’Onofrio

« Angelo Modestino D’Onofrio et sa famille ont immigré au Canada pour se donner les moyens de s’enraciner, de cultiver des valeurs et d’encourager la prochaine génération à s’épanouir avec dignité. Lorsque les parents sacrifient leur vie pour offrir une vie meilleure à leurs enfants et que ceux-ci décident que durant leur vie, ils vont défier la loi, la vie des parents de M. Lufiau est sacrifiée inutilement », a ajouté la veuve de M. D’Onofrio, Lina Simone.

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Lina Simone, veuve d’Angelo D’Onofrio

Affichant un air triste dans l’enclos des accusés, Lufiau, 30 ans, a semblé écouter attentivement ces témoignages lus par des représentants du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels.

D’une extrême violence

Jeff Joubens Theus est celui qui a ouvert le feu sur M. D’Onofrio alors que Lufiau conduisait le véhicule de fuite. Theus a été reconnu coupable de meurtre au premier degré par un jury et condamné à la prison à vie.

Lufiau, qui a eu un procès devant juge seul à la suite d’un revirement spectaculaire causé par des problèmes de santé, a été reconnu coupable d’homicide involontaire. Le juge Royer a conclu que rien dans la preuve n’a démontré que Lufiau savait que Theus était armé et qu’il allait commettre un meurtre.

Mais durant sa plaidoirie, le procureur de la poursuite, Me Éric de Champlain, a dit croire que Lufiau savait que son complice était armé avant de le conduire au café Hillside.

En tant que facteurs aggravants, il a souligné la violence du crime « commis dans un endroit public, en plein jour, alors que la victime lisait tranquillement son journal ». « Tous s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un crime d’une extrême violence, d’une gratuité inexcusable », a déclaré le procureur. 

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Ebamba Ndutu Lufiau

Me de Champlain a ajouté que le contexte du crime organisé ne devait pas être exclu, pour décourager de tels meurtres, citant notamment les assassinats d’Antonio De Blasio et de Salvatore Scoppa commis respectivement dans un parc et dans le hall d’un hôtel, devant témoins, à l’été 2017 et le 4 mai dernier.

Le procureur a enfin soulevé le témoignage non crédible du futur condamné et son absence de remords.

« La peine doit refléter la réprobation sociale de ce genre de crime », a dit Me de Champlain, en réclamant 10 ans d’emprisonnement.

« Vous avez jugé qu’on ne sait pas si Lufiau savait qu’il y avait une arme à feu. Si on ne sait pas que le complice a une arme, on ne peut être responsable des conséquences », a répliqué l’avocat de Lufiau, Me Steve Hanafi, en demandant une peine de 18 à 30 mois au juge Royer.

Ce dernier rendra, sous réserve, sa décision à la fin de la semaine prochaine.

Lufiau est détenu depuis deux ans et vingt jours, ce qui signifie qu’il a déjà purgé trois ans et un mois de sa future peine puisque la période passée en détention préventive est calculée en temps et demi.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.