(Toronto) Le voile du secret des entreprises canadiennes qui contribue à alimenter la corruption mondiale se lève lentement, mais pas assez vite pour certains détracteurs.

Le Canada, critiqué dans le passé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour son retard dans la lutte contre la corruption, a pris des mesures au cours des dernières années, afin de rattraper des pays plus avancés dans ce domaine.

Divers experts jugent que les récents changements annoncés sont encourageants.

« Nous avons fait un certain nombre de progrès au cours des dernières années, reconnaît Pat Poitevin, un ancien enquêteur de la GRC, qui a fondé le Centre d’excellence canadien pour la lutte contre la corruption. Je devrais être le plus grand pessimiste du monde après avoir passé 35 ans à la GRC à enquêter sur de nombreux crimes, mais je constate un changement. »

Parmi ces changements : l’établissement d’un registre sur la propriété effective des entreprises afin que les enquêteurs puissent mieux suivre la piste de l’argent sale et déterminer l’identité de ceux qui bénéficient des pots-de-vin, du blanchiment d’argent et d’autres activités illicites.

En vertu de la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018, qui entrera en vigueur en juin, les sociétés devront « tenir un registre des particuliers ayant un contrôle important de la société, ainsi que les renseignements qui doivent y figurer ».

Cependant, ce registre ne pourra être consulté que par les autorités de réglementation. Il ne sera pas accessible à l’ensemble de la population, comme c’est le cas au Royaume-Uni, déplore James Cohen, le directeur général de Transparency International Canada.

« Notre capacité est maigre. Notre intérêt général tend à ne pas suffire pour combattre le problème », dit-il.

Selon lui, la corruption est trop souvent considérée comme un crime sans victime. Or son coût en est très élevé. L’ONU l’estime à 2600 milliards  $ US, soit 5 % du produit intérieur brut mondial.

Des efforts ont été déployés pour accroître la divulgation d’information dans le secteur des ressources, notamment la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif promulguée en 2014. Celle-ci oblige les entreprises de ce secteur à dévoiler ce qu’elles versent aux gouvernements. Elle a permis d’identifier assez efficacement certains vides suspects dans la circulation de l’argent, dit Jamie Kneen de MiningWatch Canada.

La pression pour la transparence ne suffira pas à elle seule à lutter efficacement contre les systèmes financiers internationaux complexes, ajoute-t-il.

« La barre pour obtenir des condamnations est très haute tandis que les enquêtes sont très difficiles, surtout si la GRC doit se rendre à l’étranger pour obtenir la coopération de la police. »

Selon M. Poitevin, tout comme il a fallu du temps et des efforts pour réduire les habitudes en matière de conduite en état d’ébriété, une certaine période de temps sera nécessaire pour que les perceptions relatives à la corruption changent et que, bien que lente et frustrante, la pression en faveur de la transparence contribue à lutter contre le phénomène.

« Il faudra un certain temps pour changer les normes sociales organisationnelles des entreprises au sujet de la corruption. Il faut se rappeler qu’avant 1999, la corruption était déductible des impôts. »