On peut complimenter un homme sur ses muscles saillants, son bronzage parfait ou ses tatouages exotiques, mais le traiter de « douchebag » constitue une insulte, a tranché un juge de Québec qui a étudié la question.

Le magistrat devait déterminer si un jeune homme qui avait utilisé l'expression à l'endroit de policiers de la Ville de Québec avait violé un règlement municipal qui interdit d'insulter les forces de l'ordre.

« Au Québec, le terme semble spécifiquement viser un jeune homme bellâtre, abonné des salles de musculation et salons de bronzage, arborant tatouages, bling-bling et tee-shirts serrés », a conclu le juge Patrice Simard, de la cour municipale de Québec, dans sa décision datant de la fin novembre. « Il s'agit d'un terme peu flatteur. »

L'histoire avait commencé pendant la nuit de la Saint-Jean-Baptiste, l'été dernier, sur la Grande Allée, une artère de Québec particulièrement animée en soirée. « Estie de gros douchebags », avait lancé le jeune Philip Blaney à un tandem de policiers qui intervenaient auprès d'amis.

« Qu'est-ce que t'as dit, toi ? », lui a demandé un policier. M. Blaney a répété son trait d'esprit, selon les témoignages ensuite entendus au tribunal. Il a plus tard reçu un constat d'infraction en vertu de la réglementation municipale.

« Des propos blessants »

M. Blaney, qui n'a pas rappelé La Presse, a plaidé devant le juge Simard qu'il utilisait souvent le terme « douchebag » avec ses amis et que le mot était couramment utilisé « par les jeunes » pour désigner un individu imbu de lui-même sans méchanceté. Il tentait de faire annuler son amende.

Mais le juge Simard n'a pas été convaincu par ses explications.

« Le "estie", blasphématoire en soi, est plutôt utilisé, à l'instar de l'adjectif "gros", comme marqueur d'intensité pour le substantif qui les suit immédiatement, savoir le mot "douchebag" », a savamment analysé le magistrat.

« Pris dans leur ensemble, il s'agit de propos injurieux, insultants, blessants, blasphématoires et grossiers. »

- Extrait du jugement

Même si les dictionnaires anglais proposent d'abord une définition de « douchebag » qui désigne une douche vaginale, il faut plutôt se reporter à son sens figuré pour analyser ce cas, selon la justice.

Son constat n'a pas été annulé comme il l'espérait : Philip Blaney s'en sort tout de même avec l'amende minimale prévue, soit 150 $.

Même s'il s'agit d'une injure, le juge Simard ne semble pas se faire d'illusions sur l'impact de sa décision : le terme continuera de proliférer dans la province. « L'expression fait désormais partie, pour le meilleur et surtout pour le pire, de la culture et de la langue populaire québécoise », a conclu la justice.

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D'autres injures illégales

D'autres juges ont eu à analyser des propos colorés afin de déterminer s'il s'agissait d'injures à des policiers contraires à un règlement municipal.

« Deux de pique »

« Le fait de qualifier un policier de "deux de pique" dépasse largement le simple commentaire sur sa prestation de travail. Le recours à une telle expression vise manifestement à offenser la personne visée et à l'atteindre dans sa dignité ou son honneur. » (À Trois-Rivières en 2015)

« Il y a de la corruption »

« Ces paroles ["Il y a de la corruption dans la police de Joliette"], dites sur un ton élevé de façon à ce que l'agent Barrette puisse les entendre, visaient l'agent Barrette contre qui la défenderesse avait des conflits et son intention était bien de le blesser dans son honneur et sa dignité et de l'outrager. » (À Joliette en 2010)

« Es-tu cocu ? »

« Ces propos ["Es-tu cocu ? Avais-tu des problèmes à l'école ? T'es-tu fait battre ?", entre autres] constituaient des propos blessants et grossiers à l'endroit du policier, dans l'exécution de ses fonctions. » (À Québec en 2016)