Le premier ministre Philippe Couillard ne veut pas s'engager à consacrer 50 millions de plus à la rémunération des avocats qui acceptent des mandats de l'aide juridique, comme le lui demande le Barreau du Québec. Cette question relève de la négociation entre les parties, a-t-il affirmé.

Mardi, le Barreau du Québec a demandé aux partis politiques en campagne électorale de s'engager en faveur de l'aide juridique, notamment en rehaussant les tarifs versés aux avocats de pratique privée qui prennent des mandats de l'aide juridique.

Ceux-ci reçoivent des montants fixes de 500 $ ou 600 $ pour des dossiers en droit de la famille ou de l'immigration, qui peuvent parfois requérir des semaines de travail de 40 heures.

Il s'ensuit que de moins en moins d'avocats de pratique privée acceptent de tels mandats, a déploré le Barreau. Ainsi, de 2001 à 2016, pendant que le nombre d'avocats a crû de 37 %, la proportion de ceux qui ont reçu une rémunération de l'aide juridique a connu une baisse de 19 %.

Interrogé à ce sujet mercredi, alors qu'il rencontrait la presse à Montréal pour présenter une nouvelle candidate en vue de l'élection, le premier ministre n'a pas voulu se mêler de cette question des tarifs, qui relève de la négociation entre les parties.

Il a toutefois rappelé que son gouvernement avait déjà augmenté l'accessibilité à l'aide juridique pour les citoyens, notamment en rehaussant les seuils de revenu admissibles. Il avait aussi développé différentes mesures pour favoriser la médiation et les centres de justice dans certaines communautés.

«On a déjà agi dans le domaine de la justice de plusieurs façons. Nous avons élargi l'accès à l'aide juridique - ça aussi c'est important - dans le cadre de notre lutte contre la pauvreté, pour que les gens aient un accès plus équitable», a souligné le premier ministre.

Mais il ne lui appartient pas de négocier les honoraires des avocats, à la place des parties en cause, a-t-il ajouté.

La CAQ et le PQ s'engagent

Du côté de la Coalition avenir Québec, on a assuré qu'un gouvernement de la CAQ bonifiera l'enveloppe de l'aide juridique à ce chapitre.

Le député Simon Jolin-Barrette, responsable du dossier, «prône un réinvestissement massif dans le système de justice, afin de bonifier la rémunération des avocats de pratique privée qui traitent des cas d'aide juridique, afin que les gens ayant besoin d'assistance juridique aient accès à une représentation juste et de qualité, au même titre que le reste de la population».

Il admet que les tarifs d'aide juridique «sont trop bas depuis plusieurs années» - ce dont se plaignait précisément le Barreau du Québec.

La vice-chef du Parti québécois, Véronique Hivon, abonde dans le même sens. Sans préciser si le montant de 50 millions est justifié, Mme Hivon affirme que le PQ est conscient qu'il y a du rattrapage à faire.

«Le Barreau a raison quand il dit que les tarifs ne tiennent plus la route, ajoute celle qui est aussi porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. Ça a des impacts sur la pratique des avocats, sur la baisse du nombre d'avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique et sur de plus en plus de gens qui se représentent seuls.»

Selon Véronique Hivon, «la justice est un enjeu qui est sous-estimé, mais qui devrait pourtant être prioritaire parce que c'est un droit fondamental».

QS va plus loin

Québec solidaire va même jusqu'à chiffrer son engagement. Sa porte-parole Manon Massé soutient qu'un gouvernement solidaire investira 72 millions afin de garantir et d'améliorer l'accès de la population aux services d'aide juridique.

«On vient d'apprendre il y a quelques jours que l'État québécois a fait un excédent budgétaire de 2,3 milliards l'année dernière, rappelle-t-elle. Que les libéraux refusent de s'engager à investir pour améliorer l'accès à l'aide juridique prouve bien que leurs priorités ne sont pas du côté du peuple ni des moins fortunés.»

En 2016-2017, 14 000 personnes ont demandé l'aide juridique au Québec et seulement 9000 d'entre elles ont été jugées admissibles, d'après un communiqué diffusé mercredi après-midi par Québec solidaire.

«Actuellement, les seuils fixés par le gouvernement sont insuffisants et beaucoup de gens se retrouvent sans recours. Investir 72 millions permettrait non seulement de payer convenablement les avocats qui prennent les mandats d'aide juridique, mais aussi d'étendre l'accès de ces services à tous les gens qui en ont besoin», a fait valoir Mme Massé.