Le prédateur sexuel Jacques Groleau, surnommé le «violeur au dentier», purgera 15 ans derrière les barreaux et sera déclaré «délinquant à contrôler» durant dix ans après sa sortie de prison.

Assis dans le box des accusés, l'homme de 50 ans a gardé les yeux rivés au sol lorsque la juge Hélène Morin a rendu sa sentence, ce midi, au palais de justice de Montréal. Dès le début de la lecture du jugement, l'une des victimes a éclaté en sanglots.

Groleau, qui traine un lourd passé criminel, avait déjà reconnu sa culpabilité à 15 chefs d'accusation d'agression armée, d'agression sexuelle, de séquestration et d'introduction par effraction. Les agressions se sont produites sur le Plateau-Mont-Royal entre novembre 2008 et septembre 2010. Durant cette période, il a fait cinq victimes âgées de 20 à 36 ans. La juge a imposé des peines allant de cinq à 15 ans pour chacun des quinze délits, mais c'est la peine la plus grave qui s'appliquera. Groleau devra également fournir des prélèvements de substances corporelles.

Un prédateur méthodique

Jacques Groleau opérait toujours selon le même modus operandi. Il suivait des femmes qui entraient tard le soir dans leur tour à logement en se faisant passer pour un résident. Une fois à l'intérieur, il les menaçait avec une arme puis tentait de les agresser sexuellement, parfois avec succès. L'une des victimes est parvenue à lui arracher son dentier en se débattant, d'où son surnom. Grâce à la prothèse, les policiers sont parvenus à recueillir son ADN, ce qui a permis de l'épingler et de faire le lien avec d'autres agressions survenues dans le quartier.

Interrogée à la sotie de l'audience, l'une des jeunes femmes qu'il a violées a affirmé qu'elle souhaitait maintenant tourner la page sur cette affaire qui l'a profondément traumatisée. Lorsqu'elle a raconté son agression au tribunal, l'accusé avait pleuré. «Je ne pense pas que ses larmes étaient vraies. Je pense qu'il a peur de ce qu'il l'attend parce qu'il va avoir un bout de temps à faire au pénitencier», a-t-elle déclaré.

Récidiviste

Dans les années 80, Groleau a purgé une peine de 15 ans de prison pour des infractions similaires. «Quand j'ai appris qu'il avait déjà agressé d'autres femmes par le passé, j'ai trouvé cela un peu choquant qu'on laisse des gens sortir comme cela. Oui, on peut croire qu'il va se rétablir, mais on voit aujourd'hui que l'histoire se répète et c'est malheureux», a ajouté la victime, qui a accepté de répondre aux questions des médias.

Une femme qui a été agressée par Groleau en 1987 était aussi présente à l'audience sur la sentence. Elle aurait préféré qu'il soit déclaré «délinquant dangereux», plutôt que «délinquant à contrôler».

«J'avais un bébé d'un mois à l'époque. Ces filles-là ont son âge. Je ne peux pas croire que deux générations différentes partagent le même agresseur», a-t-elle observé.

Aujourd'hui, elle souffre toujours de stress post-traumatique. «Je comprends comment le système pénal est fait, mais j'aurais souhaité le miracle et qu'on le déclare délinquant dangereux. Je comprends les nuances, mais j'aurais aimé qu'on oublie la clé parce que moi, je la paye ma sentence et elle est à perpétuité.»

Dix ans de surveillance

C'est après une évaluation de la psychiatre France Proulx que Groleau a été déclaré «délinquant à contrôler». La juge a imposé une période de surveillance dix ans, la plus élevée dans le Code criminel.

La procureure de la couronne, Me Sylvie Lemieux, a expliqué que l'objectif de cette mesure est avant tout de protéger la société. «Dans le cas du délinquant à contrôler, on arrive à évaluer qu'il y a un risque de récidive élevé, cependant il peut être assumable. Dans le cas du délinquant dangereux, on peut évidemment arriver à évaluer qu'il y a un risque élevé de récidive, mais que ce risque ne peut pas être gérable dans la communauté. Donc dans le cas de M. Groleau, la psychiatre a évalué que le risque était élevé, mais compte tenu de son attitude et de sa reconnaissance, ce risque-là peut être assumé.»

L'avocat de Groleau, Me Louis-Philippe Roy, qui avait demandé la même sentence que le ministère public, a affirmé que toutes mes pensées allaient aux victimes. «La sentence fait que monsieur sera encadré jusqu'à l'âge de 74 ans», a-t-il rappelé.

En raison de sa période de détention préventive, il lui reste 14 ans et un mois à purger. Me Lemieux a indiqué qu'il pourra théoriquement s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles après avoir purgé le deux tiers de sa peine.

À la toute fin de l'audience et à la demande de Me Roy, la juge a accepté que Groleau récupère son dentier.