La police de Montréal a ouvert une enquête sur un homme qui enverrait des menaces de mort par internet depuis près de 20 ans, après l'apparition d'une pétition en ligne qui dénonce l'inaction des autorités. La mère du jeune homme, soupçonné d'avoir envoyé des milliers de messages haineux à des gens qu'il accuse d'être «athées», assure qu'«il ne ferait pas de mal à une mouche».

Chaque jour depuis 1993, Paul Z. Myers, professeur de biologie à l'Université du Minnesota, commence sa journée avec le même rituel: purger sa boîte courriel des menaces de mort qu'il reçoit d'un certain David Mobus, qui s'appellerait en réalité Dennis Markuze, de Montréal.

Le professeur, qui anime un blogue sur la science, dit qu'il reçoit jusqu'à 200 messages par jour. «Avons-nous le droit de brûler PZ Myers?» «Nous allons vous enterrer», «athées, nous allons vous trancher la tête» et «mourez, athées, mourez», peut-on lire dans l'un de ces récents courriels, envoyés à toute la faculté des sciences de l'Université du Minnesota.

Même si les menaces n'ont jamais débordé la frontière de l'internet, Paul Z. Myers craint de plus en plus que leur auteur ne passe à l'acte, car ses messages sont non seulement de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus violents. «Il souffre clairement de maladie mentale. J'ai vraiment peur qu'il aille plus loin. Quand quelqu'un menace tous les jours depuis près de 20 ans de vous tuer, de vous trancher la tête et de vous tirer dessus, on se demande où il va arrêter. Je ne pense pas qu'il vienne jusqu'au Minnesota pour s'attaquer à moi, mais un jour il va craquer et blesser quelqu'un.»

Paul Z. Myers est loin d'être la seule cible de ces messages. La Presse a trouvé trois autres blogueurs qui affirment avoir porté plainte à la police, dont un Montréalais, William Raillant-Clark, qui a reçu ses premières menaces mardi. «Nous avons reçu des plaintes à votre sujet, espèce d'idiot blasphématoire», commence l'auteur dans un courriel décousu où il évoque un «génocide des athées en 2011».

Blogueur sceptique des phénomènes paranormaux, Tim Farley dit avoir assemblé un volumineux dossier sur l'auteur des menaces qu'il reçoit depuis trois ans, la piste lui ayant permis de remonter jusqu'à un Montréalais dénommé Dennis Markuze. «Je n'ai pas envie de lire un matin dans le journal qu'il a tué quelqu'un alors que j'aurais pu l'en empêcher», explique celui qui gagne sa vie à pourchasser les pirates sur l'internet pour des entreprises.

Malgré les plaintes, les menaces n'ont pas cessé. Devant ce que plusieurs qualifient d'«inaction policière», une pétition mise en ligne mardi pour demander à la police de Montréal (SPVM) de prendre le dossier au sérieux a déjà récolté plus de 3000 signatures. Inondé de courriels hier, le SPVM a confirmé à La Presse qu'une enquête a été ouverte puisqu'on estime avoir suffisamment d'éléments pour démontrer que l'auteur des menaces provient de Montréal.

Sa mère le défend

Dans un bref entretien téléphonique avec La Presse, hier, la mère de Dennis Markuze a confirmé qu'il est bien l'auteur des messages. Elle refuse toutefois de condamner les écrits de son fils, qui vit toujours sous son toit, et assure qu'il n'est pas violent. «Je ne lui ai pas demandé d'arrêter, non. Pourquoi le ferais-je? C'est son travail, ce en quoi il croit. Pourquoi devrais-je l'arrêter?», a dit Mme Markuze en anglais.

Elle s'est promptement emportée quand La Presse lui a parlé des menaces de mort que plusieurs personnes disent avoir reçues. «Il n'a jamais fait ça. Il ne tuerait même pas une mouche, monsieur. Je n'y crois pas. Vous ne comprenez probablement pas ses messages.» À la citation de certains extraits («je vais te mettre une balle dans la tête», «je vais t'exécuter»), elle a rétorqué: «Lisez au complet ce qu'il écrit et vous comprendrez» avant de raccrocher.

Selon Paul Z. Myers, toute cette histoire aurait commencé au début des années 90, quand Dennis Markuze aurait tenté de remporter le Million Dollar Paranormal Challenge, un concours destiné aux personnes qui prétendent avoir des pouvoirs paranormaux. Le Montréalais, qui aurait soumis la candidature de Nostradamus, n'aurait pas digéré de se faire refuser le grand prix, estimant que plusieurs prophéties de l'apothicaire français se sont réalisées. Depuis, il s'en prendrait inlassablement aux «athées», dont Paul Z. Myers. Dans un courriel qu'il lui a envoyé il y a longtemps, Markuze termine d'ailleurs en lui demandant: «Où est mon million?»