Le moment tant attendu est arrivé dans le cadre du procès du sénateur Mike Duffy: l'ancien chef de cabinet de Stephen Harper Nigel Wright, qui a été au centre des discussions depuis le début des procédures, commencera son témoignage, mercredi.

M. Wright ne sera pas le seul à fournir de nouveaux éléments au procès du sénateur, accusé de fraude, d'abus de confiance et de corruption. La défense compte également rendre publics bientôt des centaines de courriels échangés entre les proches du premier ministre et l'accusé.

Au premier jour des audiences, en avril, l'avocat de la défense Donald Bayne avait en main un cartable épais contenant tous les messages, annonçant tout ce qui allait venir dans les prochains mois. La transcription intégrale de l'entretien de M. Wright avec la police n'a pas encore été dévoilée publiquement.

Nigel Wright est arrivé samedi à Ottawa de Londres, où il travaille comme directeur général de l'entreprise Onex. Une source proche de M. Wright a indiqué qu'il était prêt à révéler toutes les circonstances entourant le fameux chèque de 90 000 $ qui a été versé secrètement à Mike Duffy, en 2013, pour rembourser ses frais réclamés injustement au Parlement.

Le témoin prend son rôle très au sérieux, selon cette personne qui a requis l'anonymat.

La présence de M. Wright, combinée avec ces nouvelles preuves de la défense, pourraient contribuer à raviver la controverse qui implique plusieurs proches de M. Harper. Le premier ministre, qui a d'ailleurs été critiqué pour d'autres nominations au Sénat, pourrait être éclaboussé par le scandale alors qu'il est en pleine campagne électorale.

M. Harper a martelé qu'il ne savait rien sur le chèque de M. Wright avant que la nouvelle ne sorte dans les médias. Les révélations ont toutefois jeté la lumière sur la culture politique au sein du bureau du premier ministre et les efforts déployés par ses employés pour se débarrasser de la controverse impliquant leur sénateur.

Les conservateurs peuvent se rabattre sur l'idée que les premières déclarations de Nigel Wright suggèrent qu'il éprouvait de la frustration envers M. Duffy. D'ailleurs, l'ancien chef de cabinet est encore dans les bonnes grâces du parti - il était l'invité d'honneur lors d'un souper organisé à la résidence du président de la Chambre des communes, il y a un an. L'actuel président de la campagne conservatrice, Guy Giorno, était notamment présent.

Lorsque la police avait déclaré, en avril, qu'aucune accusation ne serait déposée contre M. Wright, le principal intéressé avait répété qu'il avait agi avec les meilleures intentions. «Je croyais que mes actions étaient dans le meilleur intérêt du public et légales», avait-il écrit dans un communiqué.

Lors d'un entretien avec la police, il y a deux ans, M. Wright s'était dit furieux que M. Duffy «soit payé pour des repas qu'il mangeait dans sa propre maison, à Ottawa», selon des documents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

«En raison de ses croyances personnelles et de sa capacité financière, il avait pris la décision personnelle à l'époque de rembourser les 90 000 $», peut-on lire dans le rapport de police.

M. Wright a ajouté qu'il l'avait fait également parce qu'il croyait que le sénateur disposait «d'arguments techniques» pour réclamer ces dépenses - ce sont ces mêmes arguments qui sont évoqués par la défense de M. Duffy.

Le sénateur avait élaboré son compte de dépenses en fonction de sa résidence «principale», à l'Île-du-Prince-Édouard, même s'il passait la majeure partie de son temps dans la capitale canadienne. M. Duffy a toujours soutenu avoir agi en tout respect des règles du Sénat, et il avait refusé de rembourser lui-même les 90 000 $ lorsque M. Wright le lui avait demandé.

La Couronne affirme plutôt que le sénateur était «partenaire à part entière» ou l'instigateur d'un complot pour que quelqu'un d'autre verse l'argent secrètement. Selon la défense, M. Duffy a toutefois été contraint à admettre qu'il avait réclamé improprement l'argent, même s'il l'a toujours nié.