La femme d'Arthur Porter, ancien patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), peut quitter la prison et aller vivre en maison de transition. Six mois après sa condamnation pour recyclage des produits de la corruption, la quinquagénaire affirme avoir eu amplement le temps de réfléchir à ses crimes et être arrivée à une conclusion: elle ne veut plus parler à son mari.

Pamela Mattock Porter a expliqué devant la Commission québécoise des libérations conditionnelles la semaine dernière qu'elle se sent trahie par son conjoint, accusé d'être l'homme clé de «la plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada».

Elle n'a pas parlé au père de ses quatre enfants depuis deux ans, assure-t-elle. M. Porter se trouve au Panama et tente d'éviter l'extradition vers le Canada. «Vous exprimez d'ailleurs ne plus vouloir entrer en communication avec lui», constatent les commissaires Lucie Tétreault et Julie Filion dans leur décision.

Pamela Mattock Porter avait été condamnée à 33 mois de prison en décembre après avoir plaidé coupable à deux accusations de recyclage des produits de la criminalité. Comme elle avait passé neuf mois en détention préventive depuis son arrestation au Panama en mai 2013, il ne lui restait que deux ans moins un jour à purger.

Maintenant qu'elle a passé plus du sixième de sa peine en cellule à la prison pour femmes de Tanguay, la Commission québécoise des libérations conditionnelles a accepté la semaine dernière de l'envoyer dans une maison de transition. Là-bas, elle souhaite faire du bénévolat, participer à des thérapies et préparer son retour dans la société.

Dix millions de plus ou de moins...

Lors de l'audience, elle a reconnu avoir fait preuve d'un manque de jugement. Habituée à crouler sous les millions et la richesse grâce aux multiples emplois et entreprises de son mari partout dans le monde, Mme Mattock Porter, qui demeurait à la maison pour s'occuper des enfants, n'avait pas trouvé anormal de voir 10 millions de plus arriver dans le compte familial et d'utiliser cette somme pour acheter des propriétés dans divers pays.

«Vous ne trouviez pas les sommes transigées astronomiques dans ce contexte?», questionnent les commissaires. Elle croyait que l'argent avait un lien avec des projets d'affaires en Afrique.

Elle a raconté que son couple avait eu une période difficile lorsqu'Arthur Porter était devenu patron du CUSM et que sa famille était restée aux Bahamas, mais que les choses s'étaient améliorées quand il avait quitté le Canada après sa démission, en 2011.

Mme Mattock Porter, qui travaillait jusqu'ici à la cuisine de la prison, doit toujours accomplir 240 heures de travaux communautaires. Elle est toujours citoyenne du Canada, du Royaume-Uni (son pays natal), des États-Unis, de Saint-Kitts-et-Nevis et de la Sierra Leone, mais elle aimerait éventuellement aller vivre aux États-Unis, et possiblement travailler lorsqu'elle sera complètement libre, à la fin de sa peine.

Selon la Commission, elle présente un faible risque de récidive.

«La Commission est d'avis que le processus judiciaire, cumulant avec l'incarcération, vous a permis de prendre conscience, notamment, de votre manque de jugement. L'effet dissuasif de ce processus transparaît dans votre discours», affirment les commissaires.

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22,5 millions : Pots-de-vin versés par SNC-Lavalin pour obtenir le contrat du CUSM.

10 millions : Somme qui a finalement atterri dans le compte du couple Mattock-Porter.

4 millions : Valeur de ce que l'État québécois a saisi avec l'accord de Pamela Mattock Porter après sa condamnation.