Jimmy Cournoyer, le caïd lavallois qui a inondé New York de marijuana canadienne pendant des années, peut compter sur un appui de taille à l'approche du prononcé de sa sentence: son ami Georges St-Pierre, le champion des arts martiaux mixtes, a écrit une lettre très personnelle dans laquelle il demande la clémence de la cour envers lui.

Cournoyer, 34 ans, a plaidé coupable il y a un peu plus d'un an devant un tribunal de Brooklyn, aux États-Unis, à 11 chefs d'accusation - avoir dirigé une organisation criminelle, complot de production, importation et distribution de marijuana, complot d'exportation et de distribution de cocaïne et complot de recyclage des produits de la criminalité. Il s'expose à une peine minimale de 20 ans de prison et à des amendes pouvant aller jusqu'à 1 milliard de dollars.

Un milliard, c'est la valeur de toute la drogue que l'organisation de Cournoyer est soupçonnée d'avoir écoulée dans le nord-est des États-Unis, en particulier à New York, entre 1998 et 2012, année de son arrestation.

Selon la poursuite, Cournoyer et ses complices ont fait venir des dizaines de milliers de kilos de marijuana de la Colombie-Britannique et du Québec, et ont fait entrer la drogue aux États-Unis par la réserve amérindienne d'Akwesasne. La marijuana aurait été principalement écoulée à New York par des membres du clan Bonanno de la mafia new-yorkaise. Avec l'argent de la drogue, l'organisation de Cournoyer aurait acheté de la cocaïne au cartel mexicain de Sinaloa; la drogue était destinée à la revente au Québec. La poursuite croit que les activités du gang de Cournoyer ont été financées initialement par l'organisation du parrain Vito Rizzuto, à Montréal.

Comme un frère

La sentence est prévue pour le 20 août. L'avocat de Jimmy Cournoyer a déposé au tribunal un volumineux dossier d'une quarantaine de pages pour demander que le juge impose la peine minimale, et rien de plus. La lettre de Georges St-Pierre en fait partie.

«Jimmy est devenu comme un frère pour moi», écrit le champion, qui a rencontré Cournoyer en 2009 dans un restaurant. Il affirme être devenu «instantanément son ami». Les deux ont fait un voyage ensemble à Ibiza peu après leur rencontre.

«Jimmy est un ami loyal que je respecte beaucoup, ajoute St-Pierre. Je n'ai jamais jugé Jimmy. En fait, ce qu'il faisait de sa vie n'était pas de mes affaires. Nous avons une relation très humaine; nous partageons les mêmes passions, qui sont le sport, la mise en forme et les arts martiaux.»

Dans une déclaration transmise à La Presse l'an dernier, Cournoyer avait d'ailleurs dit être honoré d'avoir pu s'entraîner avec un athlète comme St-Pierre, qui lui a infligé plusieurs raclées lors de leurs séances de combats.

St-Pierre mentionne dans sa lettre qu'il s'ennuie beaucoup de son ami, qu'il est allé visiter deux fois en prison aux États-Unis au cours des derniers mois. Il affirme qu'il lui a promis de lui trouver une place pour travailler dans son entourage lorsqu'il sera libéré, un jour.

«Je vous demande de tenir compte de cette lettre. Jimmy n'est pas une personne violente. C'est une personne aimante et attentionnée. Il ne mérite pas une sentence de 20 ans. Il mérite d'être proche et de vivre avec ses amis et sa famille», conclut St-Pierre.

L'avocat de Jimmy Cournoyer, Gerald J. McMahon, insiste aussi dans son dossier sur l'évolution des moeurs quant à la marijuana, qui devrait plaider en faveur de la peine minimale.

«D'ici à ce que M. Cournoyer sorte de prison, même si la cour impose la sentence minimum, il est très probable que la marijuana sera légale aux États-Unis. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette réalité», écrit-il.

L'avocat s'indigne aussi du fait que la peine minimale pour les crimes dont son client est coupable est de 20 ans de prison, alors qu'elle est de 15 ans pour un meurtre et de 5 ans pour un viol. «Il y a quelque chose de tordu dans cette réalité, car le meurtre et le viol sont des crimes bien plus atroces que le trafic de drogue, même à grande échelle.»

Jeunesse difficile

En s'appuyant sur des témoignages de la mère et du frère de Cournoyer, Me McMahon lève aussi pour la première fois le voile sur l'enfance difficile du caïd. Son père a abandonné la famille sans prévenir un beau matin, alors que Jimmy Cournoyer n'avait que 16 ans. Sa mère, maniaco-dépressive, a déjà tenté de se suicider. Son oncle s'est par ailleurs suicidé.

Cournoyer s'est beaucoup occupé de sa mère et de son frère, dont il a financé les études. Il a quitté l'école tôt pour travailler. Il a été employé d'un installateur de piscines et a travaillé sur la chaîne de montage d'une usine de bonbons. Jusqu'à ce qu'il trouve une autre source d'argent, la drogue, qui allait lui permettre de vivre la vie de jet-setter, avec voitures de luxe, voyages autour du monde, fêtes jusqu'au petit matin et jolies filles à profusion.

«Vendre du pot n'était pas une si grosse affaire... C'était pour payer les factures, c'est tout», explique Joey Cournoyer, le frère de Jimmy, dans une lettre déposée en même temps que celle de Georges St-Pierre.