Ce n'est pas une, mais bien deux enquêtes pour fraude que l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a ouvertes depuis deux ans concernant Joël Gauthier, visé d'abord comme ancien PDG de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) puis comme l'un des dirigeants d'Hexagone qui avait racheté une partie de l'empire Accurso.

Ce dernier élément est au coeur de documents judiciaires qui n'avaient pas été rendus publics jusqu'à maintenant. Ils sont datés de septembre dernier et ont servi à l'UPAC pour obtenir un mandat de perquisition à la succursale de la Banque Royale située à la Place Ville Marie. Tous les relevés des 15 comptes bancaires de Joël Gauthier étaient dans la ligne de mire des enquêteurs.

L'UPAC écrit avoir commencé l'enquête le 27 janvier 2015 à la suite d'une alerte lancée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Il s'agissait alors de vérifier si M. Gauthier avait bel et bien caché la provenance des fonds investis dans la transaction créant le groupe Hexagone à partir des entreprises de Tony Accurso.

Joël Gauthier avait affirmé publiquement que l'entrepreneur Accurso n'avait plus aucun lien avec la nouvelle entité. C'était d'autant plus important que M. Accurso est notamment accusé de fraude dans les dossiers Honorer (Laval) et Gravier (Mascouche), qu'il fait face à 928 chefs d'accusation pour fraude fiscale de la part de Revenu Québec et que certaines de ses anciennes entreprises ont été reconnues coupables d'avoir éludé plus de 4 millions en impôt fédéral.

Pour qu'Hexagone obtienne l'autorisation de soumissionner à des contrats publics, l'AMF avait exigé une «lettre d'avocat» confirmant que Tony «Accurso n'était pas impliqué ni de près ni de loin dans Hexagone». Le cabinet Legault-Joly-Thiffault a rempli cette condition et Hexagone a reçu l'autorisation de l'AMF en janvier 2014.

Convention de prêt

Six mois plus tard, La Presse a révélé que Tony Accurso avait soutenu financièrement Joël Gauthier. Une des entreprises de M. Accurso avait versé 166 666 $ à M. Gauthier, somme correspondant à l'investissement individuel des six actionnaires d'origine.

Les documents judiciaires viennent confirmer ces faits. L'UPAC indique que le service des finances d'Hexagone possède deux chèques: un de Louisbourg versé à Joël Gauthier daté du 23 avril 2013 ainsi qu'un chèque payé à l'ordre du cabinet Legault-Joly-Thiffault in Trust d'une somme équivalente et qui a été déposé dans un compte appartenant à M. Gauthier.

Selon un témoin rencontré par la police, la dette de Joël Gauthier a été comptabilisée dans la catégorie «avance aux employés».

L'UPAC considère que M. Gauthier «a mis en péril la survie» de l'entreprise en dépit du fait qu'il savait l'importance d'éloigner Tony Accurso de la transaction. 

Poursuite de l'AMF

Parallèlement au travail d'enquête de l'UPAC, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a intenté l'été dernier une poursuite contre M. Gauthier pour avoir sciemment donné de fausses informations afin qu'Hexagone obtienne l'autorisation nécessaire pour brasser des affaires avec le gouvernement et les municipalités.

La poursuite a été déposée en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics et pourrait entraîner une peine minimale de 5000 $. La Cour du Québec doit entendre la cause à compter de septembre prochain.

Joël Gauthier est également sous la loupe de l'UPAC pour son passage à la tête de l'Agence métropolitaine de transport (AMT), de 2003 à 2012. Il est soupçonné de fraude, d'abus de confiance et de financement politique illégal. Il aurait eu des fréquentations irrégulières avec les firmes de génie et les entrepreneurs qui avaient obtenu des contrats avec l'AMT, estime l'UPAC.

Tous les soupçons de la police constituent toutefois des allégations qui n'ont pas subi l'épreuve des tribunaux. M. Gauthier n'a d'ailleurs pas été arrêté ni accusé.

Avant de diriger l'AMT, Joël Gauthier était directeur général du Parti libéral du Québec, et ce, jusqu'à l'accession au pouvoir de Jean Charest. C'est sous le gouvernement Charest que M. Gauthier a été nommé PDG de l'AMT.