Alors que le nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées pourrait dépasser de beaucoup les 1200 victimes, Ottawa n'écarte pas la possibilité de rouvrir certaines enquêtes.

La ministre de la Condition féminine, Patty Hajdu, a évoqué mardi le chiffre de 4000 femmes et filles autochtones possiblement disparues ou assassinées - soit trois fois plus que ce qu'estime la police.

Lundi, la ministre des Affaires autochtones, Carolyn Bennett, avait affirmé que le nombre de victimes était «bien plus grand» que le chiffre de 1200 avancé par la GRC.

Mme Hajdu a indiqué qu'elle n'avait pas de chiffre précis, mais a ajouté que selon l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), il serait de l'ordre de 4000.

«Nous n'avons pas de chiffre exact, non, mais j'ai écouté Dawn Lavell-Harvard parler. Leur estimation à partir des recherches qu'ils ont faites, et c'est autour de 4000», a-t-elle signalé en mêlée de presse. Mme Lavell-Harvard, la présidente de l'organisation, avait avancé ce nombre en entrevue au réseau CTV, la veille. Une porte-parole de l'AFAC a toutefois signalé tenir le nombre de 4000 d'une autre organisation, soit «Walk 4 justice». L'AFAC n'a donc pas comptabilisé elle-même les cas.

À la sortie d'une réunion du cabinet, Mme Bennett a réitéré qu'elle ne connaissait pas le nombre précis de victimes, mais que des cas considérés comme des suicides, des morts par surdose de drogues, des accidents ou des morts naturelles pourraient en réalité camoufler des assassinats. Et dans ces cas-là, la police n'ouvre pas d'enquête.

Les deux ministres ont sillonné le pays pour écouter divers témoignages afin de déterminer les paramètres de la future enquête publique sur le dossier. Mme Bennett affirme qu'elles ont des «preuves anecdotiques que le problème est de plus grande ampleur».

La ministre n'écarte pas la possibilité que les policiers soient appelés à refaire leurs devoirs. «Il est évident que les familles voudraient voir certains cas rouverts. Nous l'avons entendu d'un océan à l'autre. Mais il y a aussi le thème commun de l'application inégale de la justice, de la qualité des recherches à ce qui est qualifié de meurtre ou pas, des accusations déposées à la négociation des plaidoyers, au délai dans les dates de la cour, à la sentence», a-t-elle énuméré.

La commission d'enquête qui sera mise sur pied pourra-t-elle jouer un rôle pour prendre en compte ces cas qui n'ont pas été considérés à titre de meurtres? Il faut étudier la question, répond Mme Bennett.

«Je pense que cela fera partie des délibérations. Que fait-on avec cela? Et comment trouver un système qui, peut-être, permettra aux commissaires de déterminer que certains cas doivent être examinés à nouveau», explique-t-elle.

Un rapport de la GRC concluait en 2014 que 1017 femmes autochtones avaient été assassinées entre 1980 et 2012 et que 164 autres étaient considérées disparues. La force policière a ajouté 32 autres décès et 11 disparitions dans une mise à jour l'année suivante.

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair estime qu'il est difficile de commenter, puisqu'on ne connaît pas le détail des chiffres avancés par l'AFAC. Mais s'il y a bien disparité entre les chiffres de la GRC et la réalité, il faudra étudier le travail de la police.

«Moi, je pense que la GRC et son travail doivent faire partie d'un ensemble d'analyses faites par cette commission d'enquête-là, et je pense que le corps policier en question risque d'en bénéficier. Parce que s'il y a un tel écart - du quatre pour un, quasiment - entre les chiffres avancés par la GRC et ce qui est en train d'être dit maintenant, je pense qu'on a un réel problème», a-t-il noté à la sortie de la période de questions.

Au-delà des chiffres, la ministre Bennett insiste par ailleurs sur le fait que la commission devra surtout s'attaquer aux «racines du problème».