Plus la crise du financement du transport collectif durera, plus elle risque de faire chuter l’achalandage, craint le consultant en mobilité durable David Cooper, qui a traversé beaucoup de bouleversements comme gestionnaire à Vancouver, Toronto et Calgary. Pour en sortir, Ottawa ne doit plus uniquement contribuer à bâtir de nouvelles infrastructures, dit-il, mais aussi financer l’exploitation des réseaux.

Ce qu’il faut savoir

  • Au-delà des enjeux de financement, la crise du transport collectif fragilisera aussi l’achalandage si elle se poursuit, selon un expert.
  • Ce dernier appelle d’abord Ottawa à financer l’exploitation des réseaux.
  • D’autres représentants ont fait valoir lundi la nécessité d’examiner plusieurs autres sources de financement.

« Le risque principal, en ce moment, c’est que si on continue d’avoir une crise chaque année, les gens vont s’éloigner de plus en plus du transport collectif. Et Montréal perdra sa position de leader en la matière », explique en entrevue le fondateur de Leading Mobility, David Cooper.

Ancien gestionnaire en mobilité chez TransLink, la société de transport de Vancouver, mais aussi à la Ville de Toronto et de Calgary, M. Cooper témoignait lundi à Montréal devant la Commission sur les finances et l’administration, en marge de la consultation sur le financement métropolitain du transport collectif.

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David Cooper

Il affirme que deux choses doivent être faites pour renverser la tendance. « D’abord, le gouvernement fédéral doit recommencer à financer l’exploitation, les heures de service, ce genre de choses. À Montréal, à court terme, ça voudrait dire par exemple que quand les nouvelles stations du Réseau express métropolitain ouvriront, Ottawa serait là financièrement », indique M. Cooper.

Un débat au ralenti

Sa sortie n’est pas sans rappeler qu’en mars dernier, les sociétés de transport de Montréal, Toronto et Vancouver ont réclamé à Ottawa de devancer le financement promis dans le nouveau Fonds permanent pour le transport en commun. Ces sommes doivent être versées en 2026, mais les transporteurs les veulent maintenant.

« Le dernier programme était en 2023 et le prochain en 2026. Ça veut dire que pendant trois ans, en plus de ne pas financer l’exploitation, Ottawa n’aura pas financé de projets d’infrastructures, tout en ayant un discours très vert », avait décrié dans la foulée la ministre québécoise des Transports, Geneviève Guilbault, qui est toujours en négociation avec les sociétés de transport du Québec.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau avait toutefois rapidement fermé la porte à une telle demande, plaidant que l’argent est déjà sur la table et que c’est aux provinces de faire aboutir les projets.

La deuxième chose à faire, dit David Cooper, « c’est que le gouvernement du Québec doit assumer son rôle et permettre aux villes de créer plus d’outils financiers ». « Ça nous prend une réglementation forte qui permet de générer des revenus. Les exemples sont là, les données aussi, on les connaît », implore-t-il.

« Une taxe kilométrique, par exemple, ça doit pouvoir se faire rapidement. On est rendus là. […] Personne n’aime payer plus de taxes, je n’aime pas ça non plus, mais à un moment donné, il faut prendre une décision collective, sinon on manque une opportunité », ajoute l’expert.

À l’instar des propos du président de la Société de transport de Montréal, Éric Alan Caldwell, David Cooper estime que le débat doit cesser « de se concentrer sur les dépenses ». « Les gens doivent réaliser que de réduire les dépenses, ça veut dire se préparer à attendre plus longtemps pour un bus ou un métro. On est à un point où on ne pourra juste plus embarquer si on continue de couper. »

Des salaires à baisser, des stationnements à tarifer

Plus tôt dans la journée, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, a aussi suggéré d’examiner l’état des salaires municipaux pour mieux financer le transport collectif.

« On ne regarde pas la situation des employés municipaux, qui ont un salaire 36 % plus élevé que les fonctionnaires du gouvernement du Québec. Si la Ville avait le même niveau de rémunération moyen que ces fonctionnaires, ça permettrait de dégager 723 millions de dollars annuellement en 2024 […] qui pourraient servir à financer des priorités pour les Montréalais », a-t-il expliqué.

Au Conseil régional de l’environnement de Montréal, on a entre autres réitéré que la Ville pourrait dégager plus de 500 millions par année, en moyenne, en tarifant toutes ses cases de stationnement sur rue.

L’organisme calcule que le coût annuel moyen d’un espace de stationnement est d’environ 1275 $ par année pour la Ville de Montréal.

En multipliant ce nombre par le nombre de cases de stationnement gratuites, soit environ 450 000, on arrive à 573,7 millions de dollars.

La professeure en études urbaines à l’UQAM Florence Junca-Adenot a quant à elle plaidé pour une taxe sur les aménagements. « Ça inclut autant des taxes à proximité des nouvelles infrastructures de transport collectif, mais ça introduit aussi la notion de taxation à proximité des autoroutes et la possibilité d’avoir une taxe de transports qui serait financée par les propriétaires d’entreprises », a-t-elle dit.

Ce principe est d’ailleurs également appuyé par l’expert en planification des transports Pierre Barrieau, qui a rappelé que la taxation sur la masse salariale des entreprises s’applique dans plusieurs villes françaises, notamment pour financer des projets de tramway.