Il n’est pas encore achevé, mais déjà, le Réseau express métropolitain (REM) gruge les revenus des autres modes de transport, forçant les transporteurs à réduire leur offre de service. Sur la scène municipale, on constate qu’il faudra « mettre de l’ordre » dans le partage des responsabilités.

Ce qu'il faut savoir

  • Selon les calculs de la Ville de Montréal, le REM accaparera plus de 10 % des revenus de transports en 2027.
  • Sur la Rive-Sud, par exemple, les recettes tarifaires des bus de Longueuil ne représentent plus que 66 % du niveau pré-COVID.
  • Les municipalités réclament de revoir le partage des revenus et des coûts.

Montréal constate en effet que le REM accaparera bientôt une importante partie des revenus tarifaires. Dans des documents parus cette semaine, la Ville indique « qu’en 2027, la facture du REM sera financée à hauteur de 120 millions par les revenus tarifaires d’usagers utilisant précédemment d’autres modes de transport collectif, créant un manque à gagner équivalent pour le financement des autres modes ».

« Ces revenus ne constituent donc pas un ajout net de ressources, mais un déplacement des recettes tarifaires provenant d’autres modes de transport », ajoute Montréal. La Ville anticipe que les revenus du transport collectif seront alors presque aussi élevés qu’en 2019, à 965 millions. C’est donc dire que le REM accaparera 12 % des revenus tarifaires, en tout.

« La mise en service graduelle du REM viendra amputer les revenus tarifaires déjà fortement affectés par la diminution de l’achalandage », persiste l’administration montréalaise.

D’ailleurs, l’arrivée du REM se fait déjà sentir sur la Rive-Sud, où le premier tronçon a été inauguré fin juillet. À ce jour, les revenus tarifaires du Réseau de transport de Longueuil (RTL) ne représentent plus que 66 % du niveau prépandémique.

Avec l’arrivée du train léger, le transporteur a procédé à « la réorganisation du réseau [d’autobus] suivant la mise en service de l’antenne Rive-Sud du REM ». L’offre représente 88 % du niveau prépandémique, selon des données de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM).

À terme, il faudra prévoir le « transfert d’une partie des revenus tarifaires des autobus de la Rive-Sud vers le REM », avoue l’ARTM. Malgré la nouvelle taxe sur l’immatriculation, le train reçoit aussi « moins de revenus généraux en raison d’un partage plus important entre le REM et le métro », dit l’organisme.

Le reste de la banlieue sud s’en trouve aussi chamboulé. En 2023, les revenus des services d’autobus ont diminué de 38 % par rapport à la période prépandémique, contre une baisse de 5 % dans la couronne nord où le service n’est pas encore en vigueur.

Dans l’île, même le métro de Montréal verra une partie importante de ses revenus, soit environ 35 millions de dollars, être transférée vers le REM chaque année, après la mise en service des nouveaux segments. Cela représente environ 8 % des 436 millions de revenus du métro en 2024. Les Montréalais doivent représenter la moitié des usagers du REM lorsqu’il sera pleinement opérationnel, vers 2027.

Un système à revoir

À la Société de transport de Montréal, le président Éric Alan Caldwell estime qu’il faudra avoir un « débat mature » sur cette question. « Des projets comme le REM sont là pour bonifier l’offre, pas altérer celle qu’on a. Les revenus et les subventions ne doivent pas jouer les uns contre les autres », juge-t-il.

« Dans le modèle financier qu’on connaît de l’ARTM, le REM vient capter des revenus qui se trouvaient avant dans d’autres modes. Mais la réalité, c’est qu’on a tous besoin les uns des autres. Le REM, s’il n’a pas de bus pour se rabattre sur le réseau, ça ne fonctionne pas. Et vice versa », poursuit M. Caldwell.

Il estime que l’écosystème du transport collectif devra s’asseoir et « mettre de l’ordre » dans ce déséquilibre.

L’arrivée du REM ne doit pas signifier une diminution des sources de revenus pour le transport collectif, surtout pas dans le contexte actuel. Ce n’est pas le contrat social qu’on s’est donné.

Éric Alan Caldwell, président de la Société de transport de Montréal

Chez Trajectoire Québec, la directrice Sarah V. Doyon ne cache pas que « l’impact du REM sur les autres modes de transport, c’est une préoccupation ». « Qu’on cannibalise les usagers, en soi, ce n’est pas si grave. Si on offre plus d’options, c’est une bonne chose, nos réseaux sont redondants. Là où ça ne fonctionne pas avec le REM, c’est que le mode de rémunération n’est pas le même », dit-elle.

« Quand un usager prend le REM plutôt que le métro ou le bus, ce sont les autres sociétés de transport qui voient leurs revenus diminuer. Si on avait un mode de rémunération équitable pour tous, ça ne fonctionnerait pas ainsi », persiste Mme Doyon, qui y voit une « iniquité » dans le système.

Tout cela survient alors que CDPQ Infra a annoncé mercredi que les antennes Deux-Montagnes et Anse-à-l’Orme du REM, qui devaient être livrées fin 2024, seront reportées à 2025 en raison des travaux « d’une grande complexité » en cours dans le tunnel Mont-Royal. Les tests dynamiques seront néanmoins lancés sur ces tronçons d’ici quelques semaines.