(Montréal) Le plus ancien organisme de Montréal qui œuvre auprès des personnes en situation d’itinérance affirme ne plus avoir les moyens de servir des repas la fin de semaine.

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Pour la première fois depuis 1877, les personnes en situation d’itinérance de Montréal pourraient bientôt ne plus pouvoir se procurer un repas chaud à l’Accueil Bonneau, situé dans le Vieux-Montréal.

La directrice générale de l’Accueil Bonneau, Fiona Crossling, a déclaré que son organisme n’a plus les moyens de servir les gens la fin de semaine et elle prévient que s’il ne parvient pas à obtenir un financement stable du gouvernement provincial, il devra cesser complètement de fournir des repas le mois prochain.

« Nous sommes en déficit et nous n’avons tout simplement pas les fonds nécessaires, a-t-elle déclaré mardi dans une entrevue. Nous avons annoncé que nous fermerions les fins de semaine à partir du week-end prochain, mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour négocier avec le gouvernement afin que cela n’aille pas plus loin. »

Mme Crossling a mentionné que son organisme, qui distribue des repas chauds à environ 400 personnes chaque matin, a fait tout ce qu’il pouvait pour éviter de fermer son programme alimentaire. La province a accordé un financement d’urgence à l’Accueil Bonneau pour qu’il continue à fonctionner jusqu’en janvier, mais Mme Crossling affirme que son organisme est en déficit depuis trois ans et ne peut pas continuer à offrir de la nourriture sans une aide supplémentaire.

Le Québec finance les refuges d’urgence, y compris les repas pour les personnes séjournant dans ces établissements ; cependant, cela ne permet pas de payer les repas offerts par d’autres organismes, dont l’Accueil Bonneau, a indiqué la directrice.

Selon elle, cela défie toute logique. Sur les 400 personnes qui viennent à l’Accueil Bonneau, la moitié sont à la rue et l’autre moitié est dans un logement précaire, a fait savoir Mme Crossling. Ces personnes pourraient être dans des maisons de chambres ou elles n’ont pas les moyens de payer leur loyer et leur nourriture, souligne-t-elle.

Des repas pour attirer les gens vers d’autres services

La mission principale de l’Accueil Bonneau est de trouver des logements aux personnes – il offre des programmes de logement de transition et permanents – mais Mme Crossling a déclaré que les repas chauds sont une nécessité et un moyen d’attirer les gens. Les personnes qui viennent manger quelque chose peuvent rencontrer des intervenants et accéder à d’autres services, notamment de l’aide pour faire leurs déclarations de revenus, a-t-elle fait valoir, ajoutant que les gens doivent déclarer leurs impôts pour accéder aux programmes de logement social.

Dans une publication sur Facebook le 23 décembre, l’Accueil Bonneau parlait d’une décision « prise à contrecœur » et d’« une première en près de 150 ans d’existence ».

Le ministre québécois responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, doit rencontrer l’organisme mercredi.

Le porte-parole du ministre, Lambert Drainville, a souligné que M. Carmant et le ministre de la Santé Christian Dubé ont chacun donné à la soupe populaire 25 000 $ provenant de leur budget discrétionnaire pour l’aider jusqu’en janvier.

Mme Crossling, qui a qualifié la réunion à venir d’encourageante, a déclaré que son organisme recherchait 1,2 million par an en financement stable du gouvernement, dont 700 000 $ pour le programme alimentaire.

Même si la majeure partie du budget de l’Accueil Bonneau provient de dons, elle estime qu’un financement gouvernemental stable est nécessaire pour que l’organisme puisse se concentrer sur sa mission, plutôt que de toujours chercher des subventions à court terme.

« Meilleur qu’un restaurant »

Guy, un client de l’Accueil Bonneau qui a demandé que son nom de famille ne soit pas mentionné, a affirmé que c’était « le meilleur endroit pour manger sainement ».

Alors que d’autres soupes populaires servent souvent des restes donnés, il a déclaré que la nourriture de l’Accueil Bonneau est fraîche. « Celui-ci est meilleur qu’un restaurant. »

Guy, qui est sans abris depuis les années 1990, a soutenu que les gens comme lui, habitués à se déplacer et à chercher de l’aide auprès de diverses organisations, iront manger ailleurs. Mais les personnes à faible revenu qui utilisent l’Accueil Bonneau pour se tenir compagnie et prendre un repas chaud seront plus touchées par la fermeture potentielle.

Marie-Pier Therrien, porte-parole de la Mission Old Brewery, située à quelques pâtés de maisons de l’Accueil Bonneau, a mentionné que c’était « triste et inquiétant » d’apprendre qu’un autre organisme au service des personnes sans abris est en difficulté.

Elle précise que les deux organismes travaillent souvent ensemble et offrent des services complémentaires, certaines personnes hébergées au refuge Old Brewery se rendant à l’Accueil Bonneau pour un repas chaud le matin. Son organisation offre de la nourriture aux personnes qui ont faim et qui ne séjournent pas au refuge, mais elle se présente sous forme de sandwichs invendus donnés par VIA Rail.

Mme Therrien a déclaré que son organisation est en train de s’agrandir et qu’elle sera bientôt ouverte 24 heures sur 24 aux personnes qui ont besoin d’une douche, de quelque chose à manger ou d’un endroit où s’asseoir à l’intérieur. Cependant, le nombre de personnes sans abris est en augmentation à Montréal, a-t-elle souligné.

Chaque nuit, environ 5000 personnes sont sans abris dans la ville, a indiqué Mme Therrien, et comme le logement est devenu plus cher à Montréal, son organisme voit beaucoup de nouveaux visages.