De nouvelles ressources hors du centre-ville sont à venir

Les consommateurs de drogue dans les rues de Montréal ont beau incarner la crise des surdoses, c’est loin du centre-ville que la majorité des intoxications mortelles surviennent. Les trois quarts des gens meurent seuls, souvent après avoir consommé chez eux, révèlent des données de la Santé publique.

C’est ce qu’a indiqué le DBenoit Corriveau, porte-parole de la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, en entrevue avec La Presse.

« C’est un défi pour la Santé publique de rejoindre les gens qui consomment seuls à domicile », reconnaît-il.

Entre le 1er janvier 2022 et le 5 octobre 2023, 290 morts par intoxication suspectée sont survenues à Montréal, selon des données fournies par la DRSP.

Des discussions sont en cours pour l’ouverture de nouveaux services dans des quartiers excentrés comme Montréal-Est, Montréal-Nord ou encore Rosemont, a affirmé le DCorriveau.

Il ne s’est pas avancé sur la forme que ces ressources pourraient prendre. « On va développer des services dans les quartiers les plus touchés au cours des prochains mois et années », a-t-il toutefois assuré.

Mourir seul

Le trois quarts des surdoses surviennent chez des gens qui consomment seuls, souvent dans leur propre domicile.

« Une des raisons principales pour lesquelles ces personnes ne vont pas utiliser les services de vérification de drogue ou les salles de consommation supervisée, c’est l’éloignement géographique », souligne le spécialiste en santé publique et préventive.

Toute la stigmatisation qui entoure la drogue isole aussi ces consommateurs, un enjeu majeur selon le DCorriveau.

« Il y a des raisons qui expliquent la consommation : un passé, des douleurs soit physiques, soit psychologiques, rappelle le médecin. Il faut faire preuve d’empathie envers ces gens-là, qui sont souvent exclus dans la société. »

Des données pour faire face à la crise

La DRSP de Montréal reçoit chaque semaine des données préliminaires du coroner concernant les surdoses mortelles suspectées sur son territoire. Les substances trouvées dans l’urine ou le sang des victimes permettent à la DRSP d’orienter ses actions sur le terrain, explique le DCorriveau.

Par exemple, des drogues stimulantes ont été détectées chez 62 % des 290 victimes de décès survenus en 2022-2023 à Montréal. Des opioïdes ont été détectés dans 53 % des décès, et des benzodiazépines de contrefaçon dans 24 % d’entre eux. Plusieurs substances peuvent être détectées au moment d’une surdose.

Vendredi dernier, La Presse a rapporté que les données concernant les surdoses d’autres drogues que les opioïdes et le fentanyl ne seraient pas disponibles avant plusieurs années à l’échelle du Québec. Ce manque nuit à la lutte contre les surdoses sur le terrain, selon certains acteurs du milieu communautaire.

Lisez « Combattre une crise sans données adéquates »

À Montréal, toutefois, ces données sont obtenues en continu, affirme le DCorriveau. Elles permettent notamment à la DRSP de faire des alertes quand une nouvelle substance entraînant des surdoses arrive sur le marché.

De nouvelles tendances

En plus des surdoses mortelles, la DRSP suit d’autres données, comme les surdoses non mortelles, les substances trouvées dans les différents organismes de consommation supervisée et de vérification de drogues, les interventions d’urgence, etc.

Parmi les nouvelles tendances, elle note l’augmentation des surdoses mortelles par inhalation à Montréal. Des stimulants comme le crack et la méthamphétamine en cristaux (crystal meth) peuvent être consommés par inhalation, grâce à des pipes. Des opioïdes aussi.

Proportion des décès par surdose suspectée liée à l’inhalation de drogue à Montréal

  • avril 2021 à mars 2022 : 22 %
  • avril 2022 à mars 2023 : 15 %
  • avril 2023 à novembre 2023 : 20 %

Source : Direction régionale de santé publique de Montréal

Les commandes de pipes à crack et à crystal meth par les organismes communautaires, les cliniques et les CLSC ont aussi bondi dans les dernières années, observe la DRSP.

« C’est pour cette raison-là qu’on a décidé d’aller de l’avant avec des services d’inhalation supervisée », explique le DCorriveau.

Le tout premier, porté par l’organisme communautaire Benoît Labre dans l’arrondissement du Sud-Ouest, a récemment reçu l’autorisation pour ouvrir ses portes en janvier 2024. D’autres organismes travaillent sur des projets semblables.

Des interventions en hausse à Montréal

Même si la majorité des morts par surdose surviennent dans des domiciles privés, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de surdoses (non mortelles) ailleurs, rappelle aussi le spécialiste.

Les interventions d’urgence ont quintuplé depuis 2019 à Montréal, selon la vigie des surdoses de la DRSP. Elles sont passées de 9,3 interventions d’urgence par mois en 2019-2020 à 49 par mois en 2022-2023.

La distribution de trousses de naloxone – ce médicament pouvant traiter une surdose aux opioïdes – a aussi explosé dans les dernières années.

De 540 services et redistribution par mois en 2019-2020, on est passé à plus de 1214 en 2022-2023, selon la DRSP.

Il n’y a jamais eu de décès par surdose dans les services de consommation supervisée à Montréal, où des interventions d’urgence sont monnaie courante, rappelle le DCorriveau. « Mais est-ce qu’on pourrait en faire plus [pour déstigmatiser l’usage de drogue] ? Assurément. »