Les trois partis d’opposition et des organismes promobilité dénoncent à l’unisson le « manque d’ambition » de la ministre Geneviève Guilbault, qui n’a pas l’intention d’augmenter le niveau de l’offre de service en transport collectif malgré ce que réclament plusieurs villes.

« Si Québec ne bonifie pas son offre, ce seront les usagers et usagères qui en paieront les frais », a plaidé mercredi la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon. « L’offre actuelle nous fait craindre des coupures de services importantes, alors que les tarifs, eux, ne cessent d’augmenter », a-t-elle ajouté.

Son groupe, membre de l’Alliance TRANSIT pour un meilleur financement en transport collectif, tenait mercredi une conférence de presse avec des députés libéraux, solidaires et péquistes pour réagir aux derniers développements dans le dossier de la mobilité durable.

Après avoir proposé la semaine dernière aux sociétés de transport un financement de 502,8 millions, ce qui représente à peine 20 % du déficit de 2,5 milliards de l’industrie, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a confirmé ces derniers jours qu’elle n’envisage pas d’augmenter le niveau d’offre de service de la Politique de mobilité durable (PMD), qui arrive à échéance à la fin de l’année.

Le tout scelle donc la première proposition officielle du gouvernement pour le financement du transport collectif. L’offre de services sera finalement « maintenue sur cinq ans », ce qui veut dire qu’aucune augmentation ou diminution des cibles n’est prévue. Les dépenses des sociétés de transport seraient indexées de 2 % par année en 2024 et en 2025, de 1 % en 2026 et de 0 % pour 2027 et 2028. Les tarifs aux usagers, eux, seraient indexés à 3 % annuellement.

Selon le plan d’action 2018-2023 de la PMD, Québec visait pourtant dans les cinq dernières années une cible de 5 % d’augmentation annuelle du niveau de service, ce qui n’a finalement pas été fait en raison de la pandémie. Ces dernières semaines, une trentaine de maires et mairesses avaient demandé à Québec d’augmenter cette cible à 7 % pour maintenir la cadence, mais aussi rattraper le retard.

En mêlée de presse à Québec, la ministre Guilbault a rappelé mercredi que 90 % du déficit de 2,5 milliards anticipé sur cinq ans pour le transport collectif touche le Grand Montréal. Si Québec épongeait toute la facture, « tout le Québec se retrouverait à devoir financer 2,23 milliards de déficits pour le Grand Montréal », a-t-elle dit. « À un moment donné, il faut rechercher l’équité. »

Son cabinet a ensuite confirmé avoir reçu une contre-offre du transport collectif, mardi soir. « Je vais leur reparler pour refaire une offre, mais chose certaine, ce n’est pas au gouvernement d’assumer l’entièreté des déficits des sociétés de transport qui relèvent des municipalités », a persisté la ministre.

« Sabotage »

Tous les élus de l’opposition sont aussi catégoriques : la position du gouvernement est contre-productive. « La ministre Guilbault est en train d’entreprendre la plus grande opération de sabotage du transport collectif depuis des années. Le gouvernement manque d’ambition, d’imagination et de cohérence », a martelé mercredi le critique péquiste en matière de transports, Joël Arseneau.

Chez Québec solidaire, le député de Taschereau, Etienne Grandmont, seconde. « On est dans une situation de crise. On doit augmenter les services à la fois par une offre bonifiée, mais aussi en s’assurant que le prix demeure attrayant pour les usagers. Là, on s’en va dans la mauvaise direction. C’est un manque de leadership », a-t-il dénoncé.

Son parti s’inquiète de la tendance au « statu quo » du gouvernement, au moment où « on observe le retour de la classe sardine » à plusieurs occasions dans le métro de Montréal. Celui-ci présente encore un seuil d’achalandage prépandémique global autour de 78 %, mais est depuis quelques mois déjà à sa capacité maximale en heure de pointe, surtout le soir et la fin de semaine.

« Il faut que tout le monde travaille ensemble. Si on veut en arriver à une réduction des GES et du parc automobile, ça va passer par le transport collectif. L’offre gouvernementale sur les tables […] m’apparaît totalement inacceptable », a de son côté fait valoir le porte-parole libéral en transports, André A. Morin.