Sans réponses de ses assureurs, le gestionnaire du Réseau express métropolitain (REM) se tourne vers la Cour supérieure afin d’obtenir 60 millions en compensations pour les pertes liées aux explosifs centenaires découverts dans le tunnel du mont Royal en 2020.

« Malgré le temps écoulé depuis l’explosion et les nombreuses pièces justificatives communiquées aux [compagnies d’assurance], celles-ci n’ont toujours pas confirmé leur position quant à savoir si l’explosion et ses conséquences sont couvertes », lit-on dans une requête déposée mardi au palais de justice de Montréal.

Au total, près d’une vingtaine d’assureurs, dont Zurich Insurance, Liberty Mutual, Westport Insurance, Axis ou encore CNA Canada, sont cités dans la poursuite pilotée par le cabinet d’avocats montréalais De Grandpré Chait. Celui-ci estime les pertes et dommages de toute cette affaire à 60 millions, mais n’exclut pas que ce montant soit ensuite appelé à augmenter.

En juillet 2020, CDPQ Infra, le gestionnaire du train léger, avait fait face à une « détonation imprévue », alors que des explosifs datant du début du XXsiècle avaient été découverts dans le tunnel du mont Royal. L’incident a forcé le report de l’ouverture d’une branche névralgique du REM.

À ce moment, la Caisse de dépôt avait convenu que les dépassements de coûts pourraient atteindre jusqu’à quelques centaines de millions. À eux seuls, les travaux de renforcement dans le tunnel du mont Royal atteignaient environ 80 millions. Le gouvernement Legault, de son côté, avait indiqué d’emblée qu’il n’épongerait pas ces nouveaux coûts.

Selon la poursuite, une enquête réalisée après l’accident « a permis d’identifier que la cause ayant mené à l’explosion est l’interception d’un ancien trou de forage contenant des explosifs datant de la période de construction du tunnel en 1912 ».

Un « sinistre »

Dans le document, le bureau de projet du REM fait essentiellement valoir que l’explosion constitue un « sinistre », au sens où « aucun explosif n’avait été installé » à l’origine par le consortium responsable de la construction, NouvLR. Pour le prouver, le REM affirme avoir transmis à ses assureurs « une importante quantité de documents » visant à faire connaître « les circonstances de l’explosion, ses conséquences importantes sur le projet, de même que la valeur estimée de sa perte ».

Outre les dommages et la suspension des travaux pendant plusieurs mois, les « méthodes de travail prévues ont dû être modifiées, ce qui a entraîné des conséquences importantes » sur l’échéancier du chantier, soutient-on.

Par mesure de sécurité, les 30 000 trous de forage requis pendant les travaux doivent depuis être réalisés à l’aide d’une caméra et d’un système de contrôle à distance.

Aucun employé ne peut être à moins de 50 mètres du lieu de forage. En deçà de 585 mètres, les ouvriers doivent être dans une cabine protégée, ce qui les empêche de travailler « de façon superposée et de mener différentes tâches en parallèle », avait expliqué à l’époque le président de CDPQ Infra, Jean-Marc Arbaud.

Celui-ci avait prévenu que d’autres explosifs pourraient demeurer dans le tunnel, d’où l’impact sur l’échéancier pour « prendre toutes les précautions ». En janvier 2022, La Presse avait rapporté que le chantier du REM avait été secoué par deux nouvelles explosions imprévues. Cette fois, il s’agissait toutefois d’explosifs modernes, utilisés par le consortium NouvLR pour élargir le tunnel et percer une station.

Requête conservatoire

Par écrit, CDPQ Infra a précisé mardi qu’il s’agit d’une « requête conservatoire afin de ne pas laisser le délai de prescription expirer », soit la période après laquelle il ne serait plus possible de poursuivre les assureurs.

« Entre-temps, le traitement de notre réclamation par les assureurs continue. Le recours à une telle procédure est normal pour une partie qui fait face à la fin d’un délai de prescription », a soutenu la porte-parole, Emmanuelle Rouillard-Moreau, en précisant que la volonté de son groupe est de suspendre les procédures judiciaires « pour que la réclamation continue son processus normal, hors cour ».

Une seule antenne du REM a pour l’instant été mise en service : celle entre Brossard et la gare Centrale de Montréal fonctionne depuis le 31 juillet dernier, avec cinq stations, soit trois sur la Rive-Sud, une à L’Île-des-Sœurs et une au centre-ville de Montréal.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le REM entre Brossard et la gare Centrale de Montréal

Pour le reste, CDPQ Infra avait annoncé en juin 2022 que la livraison de 18 stations du REM, au centre-ville, dans l’ouest de l’île et dans la couronne nord, devra à nouveau être reportée.

Pour l’instant, il faudra donc attendre au moins jusqu’à la fin de 2024, le chantier étant encore durement touché par la découverte des explosifs. Quant au tracé devant relier l’aéroport au centre-ville, la livraison est prévue en 2027 seulement, des travaux de construction de la station devant d’abord avoir lieu jusqu’en 2026.