Les habitués du Village sont peu convaincus par le plan présenté jeudi par la mairesse Valérie Plante pour ramener la sécurité et l’ambiance festive sur la rue Sainte-Catherine Est.

Ce qu’il faut savoir

• Le Village fait face à des problèmes d’itinérance, de sécurité, de violence et de toxicomanie, exacerbés depuis le début de la pandémie.

• Des commerçants songent à fermer leur terrasse pour de bon, car elle leur coûte plus cher qu’elle ne leur rapporte, en raison d’une peur généralisée chez la clientèle.

• En réaction, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé son nouveau plan pour redonner ses lettres de noblesse au Village.

• Sa stratégie, conçue en partenariat avec divers organismes, comprend 35 mesures qui visent à rendre le secteur sécuritaire grâce à une cohabitation entre sans-abri, commerçants et passants.

Pour Mélanie, une femme de ménage qui travaille dans le Village depuis 24 ans, les propositions de Valérie Plante ne sont que des « paroles en l’air ». La femme donne l’exemple de l’augmentation des forces policières sur les lieux, une mesure phare de la stratégie de la Ville. « Il y a a de la police de plus en plus, mais elle ne fait rien ! », s’indigne-t-elle. La répression policière, « c’est tourner autour du pot », renchérit son ami François, qui travaille dans le quartier depuis plusieurs années.

Un avis partagé par Rock Côté, le gérant du Complexe Sky, bar emblématique situé à l’angle des rues Sainte-Catherine et Alexandre-DeSève.

La police arrive, les pogne [les itinérants], les amène un coin de rue plus loin, puis les lâche.

Rock Côté, gérant du Complexe Sky

D’après M. Côté, la Ville envoie « tous les problèmes au Village », qui est le « cul-de-sac » de Montréal.

Un plan déjà entamé

La cohabitation entre les différentes communautés est au cœur du plan de la Ville de Montréal pour rehausser le Village, qui a été dévoilé au parc de l’Espoir par la mairesse Valérie Plante. Mme Plante ne veut pas que les personnes en situation d’itinérance du Village quittent le secteur, car cela entraînerait un déplacement du problème, selon elle.

Lisez « Est du Village : “Les clients ne viennent plus, ils ont peur” »

La « Stratégie d’intervention collective pour le Village » de la Ville, qui propose 35 mesures, est une « réponse collective » aux enjeux qui touchent le Village, dit-elle, dont l’itinérance, la santé mentale et la crise des opioïdes. Parmi les mesures déjà mises en place, notons une présence policière accrue, la création d’un fonds voué à l’embellissement du secteur Émilie-Gamelin, le carrefour central de l’itinérance au Quartier latin, et le financement d’un « plan-propreté » pour la rue Sainte-Catherine Est. Ces mesures auraient déjà « porté leurs fruits », selon la mairesse. D’autres idées seront développées, comme un « soutien à l’émergence d’un projet immobilier pour un carrefour communautaire » et des projets d’économie sociale.

Divers organismes, dont l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) et le SPVM travaillent de concert avec la municipalité pour améliorer l’ambiance du tronçon de la rue Sainte-Catherine entre Papineau et Berri.

Le chef de l’opposition officielle, Aref Salem, du parti Ensemble Montréal, a plaidé pour que la Ville agisse plus rapidement. « Ça prend des ressources 24/7 sur place, ça prend des gens qui répondent au téléphone [pour aider les gens dans le besoin] », a-t-il dit jeudi.

Plus de piétons, mais moins de ventes ?

L’achalandage a augmenté de 150 % pour le premier mois de l’ouverture piétonnière de la rue Sainte-Catherine Est, a indiqué la directrice générale de la Société de développement commercial (SDC) du Village, Gabrielle Rondy.

Des capteurs-piétons ont recensé 600 000 passages en un seul mois. Incapable de fournir des statistiques concernant les années prépandémiques, Mme Rondy affirme néanmoins qu’il y aura plus de passants dans le Village cette année qu’en 2019.

Des propos contestés par Rock Côté, qui observe une diminution des clients dans son établissement en 2023. « Il y a une baisse à cause de la publicité faite autour de quelques évènements. Les gens ont plus peur. » La multiplication de rues piétonnières est également mauvaise pour le Village, d’après M. Côté. « Les gens se promènent un peu partout à Montréal au lieu d’ici », explique-t-il.