La Cour donne raison à un Montréalais qui se plaignait du bruit d’un lave-auto et blâme la Ville pour son inaction

La métropole doit durcir le ton envers les délinquants du bruit, a tranché la justice en condamnant la Ville à verser des milliers de dollars à un malade du cancer dérangé par un lave-auto ouvert 24 heures sur 24.

Montréal aurait dû faire appliquer plus strictement son règlement sur les nuisances, selon la Cour du Québec. Couche-Tard, propriétaire du commerce, devra aussi payer.

Jean-Daniel Bélec vivait dans son appartement du Centre-Sud depuis 21 ans, en 2019. Cette année-là, la station-service voisine, située à l’angle de l’avenue Papineau et de la rue Ontario, a changé son lave-auto automatique.

« C’était rendu ouvert 24 heures sur 24. À 2 h, 3 h ou 4 h du matin, quand les portes ouvraient et que ça séchait, c’est comme s’il y avait un avion à côté » de son appartement, a-t-il relaté début avril en entrevue avec La Presse. M. Bélec, 67 ans, combattait alors un cancer.

J’étais stressé, je ne dormais pas. Je n’en pouvais plus. Il fallait que je déménage.

Jean-Daniel Bélec

L’expert envoyé par la Ville de Montréal a confirmé que le bruit était excessif : 49 décibels dans sa chambre, alors que la limite nocturne est fixée à 38 décibels, rapporte le jugement obtenu par M. Bélec plus tôt à l’hiver.

Rapidement après cette expertise, la Ville de Montréal a demandé à Couche-Tard de respecter son règlement. L’entreprise s’est empressée de prendre des mesures pour diminuer le temps de séchage.

Mais le niveau sonore, lui, est demeuré inchangé, a déploré M. Bélec. Son analyse est appuyée par le juge Gilles Lareau. « Montréal accepte les mesures temporaires d’atténuation du bruit effectuées par Couche-Tard sans même vérifier, à l’aide de relevés sonores, si celles-ci sont efficaces », a déploré le magistrat de la Cour du Québec.

Malgré de nombreuses relances auprès de la Ville et de Couche-Tard, les mois passent sans nouvelle amélioration de la situation. « Ils ne voulaient rien savoir », a déploré M. Bélec.

« Montréal a manqué à son obligation »

Montréal a commis une faute en laissant le lave-auto bruyant continuer à fonctionner toute la nuit sans sévir, a tranché le juge Lareau.

Une municipalité peut être tenue responsable lorsqu’elle tolère une situation préjudiciable de violation de sa règlementation.

Gilles Lareau, juge de la Cour du Québec.

« La mesure temporaire [d’atténuation], dans le présent dossier, s’imposait par l’évidence : Couche-Tard devait réduire les heures d’exploitation de son lave-auto en ne l’exploitant plus la nuit, soit de 23 h à 7 h, a-t-il continué. En négligeant d’imposer cette mesure à Couche-Tard, sous peine de poursuite, Montréal lui a de fait permis de continuer à contrevenir à son règlement sur le bruit, et ce, malgré sa connaissance du préjudice que cela causait à Bélec. En ce sens, Montréal a manqué à son obligation de diligence. » Couche-Tard, pour sa part, a directement commis une faute en violant le règlement.

En 2020, Jean-Daniel Bélec a préféré déménager, dans un autre quartier central de Montréal. « C’est tranquille. C’est le jour et la nuit », s’est-il réjoui.

Montréal et Couche-Tard ont été condamnés à lui verser près de 1000 $ pour couvrir ses frais de déménagement, en plus de 5000 $ pour ses « troubles et inconvénients ». « Bélec a subi 485 jours de bruit excessif qui a perturbé ses nuits, a écrit le juge Lareau. Sa réclamation représente un peu plus de 10 $ par jour, un montant qui s’avère très raisonnable, dans les circonstances. »

M. Bélec déplore aussi que Couche-Tard et la Ville de Montréal aient refusé de participer au processus de médiation des petites créances, avant d’arriver à un procès.

La Ville de Montréal n’a pas voulu commenter la décision. Couche-Tard n’a pas répondu au courriel de La Presse. En 2021, un mur antibruit a été érigé près du lave-auto.