Un « casting atypique », des agents au bagage de vie plus volumineux, une police plus proactive que réactive : la police de Montréal espère voir cette vision se concrétiser grâce à l’élargissement du programme d’AEC Diversité policière, désormais accessible à toute personne qui possède une formation dans un domaine relevant des sciences sociales, explique Fady Dagher, directeur du corps policier, en entrevue avec La Presse.

« Ce qu’on recherche maintenant, ce sont des profils atypiques », affirme d’emblée le chef de police, en poste depuis décembre dernier.

Le programme d’AEC permet d’accéder plus rapidement à un poste de policier au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), tout en recevant la formation en gendarmerie et en techniques policières. Ce pont était jusqu’ici réservé aux personnes autochtones et issues de la diversité. Il est maintenant accessible aux candidats détenant une formation dans un domaine relevant des sciences sociales : criminologie, travail social, etc.

Concrètement, qu’est-ce qu’un profil AEC ? Une personne de 30 ans, par exemple, qui aurait au préalable travaillé pendant 10 ans en maison de transition avec des gens vulnérables. « Ce policier-là arrive déjà sur la patrouille avec un bagage. Il a été témoin de la détresse humaine. Ça ne s’apprend pas dans une école, ça », explique Fady Dagher.

Un candidat avec un casting atypique aura aussi plus de chances de comprendre les codes de la rue ou le slang plus urbain s’il a déjà travaillé avec des jeunes marginalisés.

Le profil des policiers est très homogène, car le parcours pour être embauché est le même depuis des années : technique policière, École nationale de police du Québec (ENPQ), explique le directeur du SPVM.

« J’aurai toujours besoin d’expertise technique. Mais le besoin criant, c’est le dialogue, la médiation. »

En mode prévention

Le quotidien des agents a changé. Les appels qui entrent demandent des aptitudes plus humaines que techniques. Il n’y a pas de données disponibles précisant le nombre d’appels au 911 directement liés aux enjeux de santé mentale ou à la violence intrafamiliale.

Mais M. Dagher estime qu’en huit heures et demie de patrouille, 70 % des appels reçus par un agent concernent la santé mentale, la détresse humaine ou même des tensions entre voisins, énumère le chef. Une tendance non chiffrée, mais ressentie sur le terrain.

« Mais moi, je continue à recevoir des candidatures de gens entraînés à faire de l’intervention armée », explique-t-il. Les aptitudes tactiques, techniques et stratégiques demeurent essentielles. Les corps policiers en auront toujours besoin. Mais en embauchant des profils diversifiés, on pourra travailler en amont avant que la situation de crise survienne.

« Tant et aussi longtemps qu’on est majoritairement réactionnaire, dans 10 ans, on n’aura rien réglé. Il faut être capable d’anticiper les enjeux avec des policiers clés. C’est une solution plus pérenne. »

Goulot d’étranglement

Les policiers sont sans cesse en train d’éteindre des feux. Le volume d’appels liés à la détresse humaine augmente sur le terrain. « Il va falloir des solutions en amont » pour faire face à ce goulot d’étranglement.

Le système de justice ne suit plus. Si l’appareil judiciaire est complètement débordé, je veux être proactif avant que l’acte criminel ait lieu.

Fady Dagher, directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM)

Quant à l’épineuse question des effectifs, il manquerait de 400 à 700 postes pour combler les rangs, précise le chef de police.

La police doit-elle prendre la place des travailleurs de rue et des experts en santé mentale ? Pas du tout, nuance Fady Dagher.

Le milieu communautaire a également besoin de plus d’effectifs. Mais même ses interventions sur le terrain sont dangereuses et nécessitent la collaboration de la police. « Un homme en crise à 2 h du matin qui n’a pas pris ses médicaments, on se fait demander d’intervenir pour sécuriser les lieux. Les intervenants appellent la police pour sécuriser les lieux avant de faire leur travail. »

Il ne faut pas sous-estimer le risque des appels et interventions liées à des enjeux de santé mentale. « Même les plus petits appels peuvent revirer rapidement », soutient M. Dagher.

Programme AEC Diversité policière élargi (diversité ou profil social)

Offert à tous les candidats détenant un baccalauréat dans l’un des domaines suivants :

  • Criminologie
  • Sociologie
  • Psychologie
  • Travail social
  • Droit
  • Sécurité et études policières
  • Sciences sociales – régime coopératif (concentration sociologie)

ou

Détenir un diplôme d’études collégiales (DEC) en :

  • Techniques de travail social
  • Techniques d’éducation spécialisée
  • Techniques d’intervention et délinquance

Si un candidat est sélectionné

Les personnes sélectionnées se verront offrir une promesse d’embauche par le SPVM et devront poursuivre les deux formations suivantes :

  • Attestation d’études collégiales (AEC) en techniques policières de 30 semaines. Début de la formation prévue aux sessions automne-hiver 2023-2024.
  • Formation en patrouille-gendarmerie de 15 semaines. Cette formation est offerte à l’École nationale de police du Québec, à Nicolet. Début de la formation prévu en 2024.

Embauche au SPVM prévue à partir de novembre 2024.

Date limite pour postuler : 8 mai 2023