Le nombre d’annonces sur Airbnb a chuté de moitié à Montréal depuis la décision de la plateforme de retirer les annonces illégales au Québec. Et alors que des propriétaires de logements tentent de régulariser leur situation, d’autres utilisent de faux numéros d’enregistrement.

Selon des données obtenues auprès du site Inside Airbnb, qui monitore l’activité sur la plateforme de location, il y avait mercredi 6987 annonces qui y étaient publiées pour Montréal, comparativement à 14 289 le week-end dernier. Plus de la moitié des annonces ont donc été retirées.

Sur les 6987 logements offerts, 40 % étaient des locations à court terme, alors que cette proportion était auparavant de 83 %.

Inside Airbnb indique que 58 % du total des annonces ont un numéro d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), mais que 100 % des logements offerts à court terme affichent un tel numéro.

La Presse a constaté que certains propriétaires ont fait passer leur logement dans la catégorie des locations de plus de 28 jours, ce qui les soustrait à la Loi sur l’hébergement touristique, mais ils acceptent tout de même des demandes de location pour des périodes moins longues, selon ce qui est spécifié dans les annonces.

Faux numéros d’enregistrement

Une recherche dans les logements toujours offerts met également en lumière plusieurs situations problématiques.

Selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), « plusieurs annonces affichent un numéro de certification bidon, Airbnb ne faisant aucune vérification à cet égard ».

Ainsi, une annonce pour un « Charmant Airbnb avec vue sur la tour de l’Horloge dans le Vieux-Montréal » affiche un numéro de CITQ correspondant à un chalet situé à Austin, dans les Cantons-de-l’Est.

Rappelons que le zonage municipal ne permet pas les « résidences de tourisme » dans le Vieux-Montréal. La location touristique n’est permise que pour une résidence principale, pour laquelle il faut tout de même s’enregistrer auprès de la CITQ.

Les numéros indiqués dans plusieurs autres annonces de logements offerts dans le Vieux-Montréal sont inconnus dans l’outil de recherche de Bonjour Québec.

Un utilisateur d’Airbnb a même inscrit le numéro « 123 456 » dans la fiche de son logement.

Un même numéro d’enregistrement est souvent partagé par plusieurs appartements, alors que la loi oblige l’enregistrement de chaque logement.

Ailleurs aussi, des logements annoncés dans des endroits où la location touristique est interdite affichent le même numéro d’enregistrement, qui ne donne aucun résultat à la suite d’une recherche. C’est le cas de cinq appartements situés près du marché Jean-Talon, dans la Petite Italie, proposés par l’hôte Tiffany. Dans cet arrondissement, Rosemont–La Petite-Patrie, les résidences de tourisme commerciales ne sont autorisées que sur la Plaza St-Hubert.

Ces manipulations font dire au RCLALQ que « le prétendu retrait par Airbnb des annonces illégales est de la poudre aux yeux ».

Le RCLALQ dénonce avec véhémence ce tripotage par Airbnb et demande au gouvernement du Québec d’intervenir immédiatement pour mettre fin aux comportements illégaux de cette multinationale et des personnes qui en profitent.

Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec

« Airbnb fait parvenir aux locateurs et locatrices un message leur suggérant d’opter pour des locations à long terme, soit de plus de 31 jours », dénonce le RCLALQ, une affirmation que nous avons pu vérifier en consultant l’un de ces messages.

Fausse résidence principale

Plusieurs propriétaires obtiennent un numéro de CITQ de façon frauduleuse en faisant croire que le logement annoncé est leur résidence principale, selon Murray Cox, fondateur du site Inside Airbnb, qui dénonce la location à court terme en raison de son impact sur le parc locatif.

M. Cox estime que, en incitant les utilisateurs à annoncer leurs logements pour des périodes de plus de 31 jours, Airbnb les pousse dans une zone grise : ils n’ont plus à respecter la Loi sur l’hébergement touristique, mais ils risquent également de ne pas respecter les lois destinées à protéger les locataires, selon lui.

Au ministère du Tourisme, on affirme être au courant du problème. « La loi oblige les locateurs de toutes les catégories d’hébergement reconnu par la loi à obtenir et à afficher, peu importe où ils en font la promotion, un numéro d’enregistrement. Bien que les locateurs aient cette obligation, on constate que plusieurs plateformes font la promotion d’hébergement sans numéro ou avec un faux numéro d’enregistrement, » indique le porte-parole Jean-Manuel Téotonio, dans une réponse écrite à nos questions.

Il rappelle la volonté de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, de déposer au cours des prochaines semaines un projet de loi pour réviser la Loi sur l’hébergement touristique, afin de tenir responsables Airbnb et les autres plateformes du genre, qui ne pourront publier que des offres d’hébergement dûment certifiées, sous peine de sanctions.

En attendant, ceux qui font de l’hébergement touristique sans permis s’exposent toujours à des amendes.

Chez Airbnb, un porte-parole affirme qu’on encourage les « hôtes » à se plier aux règlements locaux, et qu’on propose aux gouvernements le Portail des villes, pour les aider à faire respecter leurs lois et à trouver les annonces sans numéro d’enregistrement valide.